Le Vendredi 26 janvier 2018
En 1992, l’Organisation des Nations unies et ses États membres, alertés sur la gravité du réchauffement global par la communauté scientifique, décident de prendre des mesures à l’échelle de la planète. Ils se dotent de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), point de départ d’une surveillance accrue du changement climatique. Ce processus aboutit à l’établissement du Protocole de Kyoto en 1997, qui acte pour la première fois un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur un nombre limité de pays de 5 % sur la période 2008-2012 par rapport à 1990 (c’est la 1re période du Protocole de Kyoto). Les pays ayant annoncé un engagement pour la 2e période du Protocole de Kyoto (2013-2020) représentaient 13 % des émissions mondiales en 2010.
La Conférence de Paris sur le climat a abouti fin 2015 à l’adoption d’un premier accord universel et contraignant sur le climat pour maintenir la température globale en deçà de 2 °C et ainsi limiter le dérèglement climatique et ses effets.
Pour atteindre ces objectifs, une panoplie d’instruments existe. Parmi eux, donner un prix au carbone est un élément important de lutte contre le changement climatique.
Comment donner un prix au carbone ?
On distingue plusieurs mécanismes pour « donner un prix au carbone » :
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imposer une taxe sur les émissions ou
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organiser un marché sur lequel s’achètent et se revendent des permis d’émettre.
Mais arrêter les soutiens aux énergies fossiles, mettre en place des normes d’émissions, ou financer la R&D pour faire progresser l’innovation bas carbone, c’est aussi implicitement donner un prix au carbone.
La tarification du carbone permet avant tout d’envoyer une incitation stable et durable aux acteurs économiques pour qu’ils s’engagent sur la voie d’une économie bas carbone, en réduisant leurs émissions et en recevant les signaux appropriés pour investir dans les technologies vertes sobres en carbone.
Les mécanismes de tarification du carbone explicites les plus utilisés dans le cadre des politiques publiques, taxes carbone et systèmes d’échange de quotas (également appelés « marchés carbone »), peuvent être adaptés aux particularités des pays concernés, éventuellement utilisés de manière complémentaire. Le principe est simple, chaque assujetti a intérêt à réduire ses émissions dont le coût de réduction est inférieur au prix du carbone (défini réglementairement ou par le marché).
Généralement, les sources fortement émettrices (production d’électricité à partir de combustibles fossiles, grosses industries) sont plus souvent incluses au sein d’un marché carbone, alors que les « petits émetteurs » (petites entreprises) ou les sources diffuses (véhicules, chauffage et eau chaude sanitaire dans les bâtiments, agriculture, etc.) seront plutôt concernés par une taxe carbone.
En parallèle de la mise en place de ces outils réglementaires, des initiatives volontaires de tarification du carbone se développent au sein même des entreprises, avec la mise en place de prix internes du carbone.
La fiscalité carbone
La fiscalité carbone est généralement mise en place via une taxe ajoutée au prix de vente de produits ou de services en fonction de la quantité de gaz à effet de serre qu’ils contiennent (émis lors de leur production et/ou émis lors de leur utilisation par exemple). En pratique, c’est souvent la consommation d’énergies fossiles qui sert d’assiette à cette fiscalité.
De façon schématique, deux grandes vagues de mise en place de fiscalités incluant une part carbone peuvent être distinguées : la première dans les années 90 pour les pays nordiques (Finlande, Norvège, Suède, Danemark) ; la seconde à compter de 2008, moins ciblée géographiquement.
La mise en place de taxes carbone s’accompagne généralement d’un recyclage des recettes de la taxe visant soit à compenser les ménages, soit à réduire les prélèvements assis sur le travail ou le capital, soit à consolider les recettes budgétaires, soit à renforcer la protection de l’environnement ou la lutte contre le changement climatique.
Il existe à l’heure actuelle une vingtaine de pays ayant mis en place une taxe carbone dont les montants varient entre plus de 100 €/tCO2 (pour la Suède) et moins de 0,9 €/tCO2 (pour le Mexique).
En 2014, dans un contexte où la France se fixe des objectifs ambitieux de réduction des émissions de GES, une composante carbone est introduite dans la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Elle concerne les particuliers comme les professionnels. La composante carbone évolue régulièrement : 14,50 €/tonne de CO2 en 2015 et 30,50 €/tonne de CO2 en 2017.
Les systèmes d’échanges de quotas de CO2
Les marchés carbone, également nommés systèmes d’échange de quotas d’émissions ou systèmes de permis d’émissions négociables, sont des outils réglementaires facilitant l’atteinte pour tout ou partie d’objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre déterminés politiquement. Ils fixent un plafond d’émissions qui permet de limiter la quantité de GES émise. Cette limite se traduit par la quantité de quotas d’émissions mise en circulation.
Les participants peuvent acheter ou vendre des quotas, et doivent restituer une quantité de quotas équivalente à leurs émissions. Chaque participant a donc intérêt à réduire la part de ses émissions dont le coût de réduction est inférieur au prix du quota sur le marché via des ajustements opérationnels ou via des investissements dans les technologies bas carbone. Les quotas peuvent être distribués gratuitement (sur la base des émissions historiques ou selon un référentiel de performance) ou mis aux enchères.
Les marchés carbone
Depuis l’établissement du Protocole de Kyoto en 1997, de nombreuses initiatives visant à établir des marchés carbone ont vu le jour dans le monde, au premier rang desquelles le marché carbone européen. Depuis 2005, la part des émissions mondiales couvertes par un système d’échange de quotas a augmenté de 73 %. Ces différents systèmes s’inspirent les uns des autres dans leurs modalités, qui doivent cependant s’adapter aux spécificités locales.
Au total, 17 marchés carbone représentant 40 % du PIB mondial sont mis en œuvre actuellement en tant qu’outils de réductions des émissions de gaz à effet de serre.
Une dizaine d’autres sont à l’étude partout dans le monde : Amérique latine, États américains, Provinces canadiennes, Turquie, etc. Depuis mi-2014, de nombreuses annonces font état du lancement probable d’un marché carbone domestique en Chine qui débuterait en 2017 et couvrirait six principaux secteurs.
Utilisation des recettes
Les recettes générées par les outils visant à mettre un prix du carbone sur les différents secteurs économiques font généralement l’objet d’une attention spécifique notamment sur l’utilisation qui en est faite. En effet, la façon dont ces recettes vont être utilisées peut avoir un impact sur l’efficacité globale du mécanisme et sur l’acceptabilité de leur mise en place.
Il est généralement considéré que l’utilisation efficace de ces recettes permet d’obtenir des gains à la fois économiques et environnementaux. Elles peuvent par exemple être utilisées pour financer des actions de lutte contre le changement climatique, financer le développement des technologies bas carbone innovantes pour préparer la compétitivité de demain, réduire des taxes distorsives, traiter les questions d’équité et de compétitivité.
En France, les recettes liées à l’introduction de la composante carbone au sein de la fiscalité de l’énergie sont estimées à 0,3 Md€ en 2014, 2,3 Mds € en 2015 et 3,8 Mds € en 2016. Ces recettes contribuent en 2016, à hauteur de 3 Mds€, au financement du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Au regard des mesures de redistribution mises en place, ce verdissement de la fiscalité de l’énergie devrait avoir des effets positifs sur l’activité et l’emploi, contribuer à réduire la dépendance au pétrole et améliorer la balance commerciale. Il favorise la croissance de filières liées à la transition énergétique et la réalisation d’économies par les ménages et les entreprises en incitant à une amélioration de l’efficacité énergétique.
Dans le cas des marchés carbone, les recettes des enchères de quotas sont généralement affectées à la lutte contre le changement climatique, dont l’innovation dans des technologies bas carbone. C’est le cas en Europe avec, d’une part, un financement de l’innovation mutualisé (NER300) et, d’autre part, les recettes des enchères de quotas des États membres qui sont utilisés à presque 90 % pour des actions de lutte contre le changement climatique.
En France, depuis 2013, la totalité des recettes françaises a vocation à financer les actions conduites par l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (Anah), en particulier dans le domaine de la rénovation thermique.
Le prix interne du carbone dans les entreprises
Donner un prix au carbone peut également être fait directement par les entreprises au sein même de leur activité. C’est le prix interne du carbone. Celui-ci est fixé de façon volontaire par les entreprises pour intégrer le coût des émissions de GES dans leurs décisions d’investissements et/ou pour intégrer un prix du carbone à leur stratégie de gestion de risque. Ces prix internes sont fixés à des niveaux situés entre 0,3 US$/tCO2e et 893 US$/tCO2e. 80 % des prix internes du carbone s’établissent entre 5 US$/tCO2 et 50 US$/tCO2e.
À noter que 83 % de ces entreprises ont leur siège social situé dans une zone où un mécanisme de prix du carbone réglementaire existe.
Les actions de la France pour soutenir un prix du carbone
La France est membre de la Carbon Pricing Leardership Coalition (CPLC) lancée par la Banque mondiale pour concrétiser son initiative « Putting a price on carbon », lancée en septembre 2014 lors du Sommet pour le climat.
La coalition a pour principaux objectifs d’intégrer de nouveaux pays et de constituer en son sein un groupe d’États pionniers disposés à élargir et à renforcer la tarification du carbone.
La France est par ailleurs depuis de nombreuses années membre du Partenariat international d’action sur le carbone (ICAP), un forum pour les gouvernements et les pouvoirs publics ayant mis en œuvre ou envisageant des systèmes d’échange de quotas d’émission (ETS) pour les gaz à effet de serre. Le partenariat compte aujourd’hui 31 membres et 4 observateurs, parmi lesquels des autorités nationales, infranationales et supranationales des quatre continents.
Le travail d’ICAP comprend trois domaines principaux :
- le dialogue technique, mené entre les membres d’ICAP sur des aspects clés du concept et fonctionnement des ETS ;
- le renforcement des capacités, en tenant régulièrement des sessions de formation et des masterclasses sur des systèmes d’échange de quotas d’émission pour les gouvernements d’économies émergentes et en développement ;
- la mise à disposition d’une plateforme de partage de connaissances en matière de systèmes d’échange de quotas d’émission dont une partie des documents est disponible en français.
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Le prix du carbone : levier de la transition énergétique
(PDF - 1.28 Mo)
Donner un prix au carbone : pour quoi faire ? Les instruments de tarification du carbone ; Les instruments privés La tarification du carbone dans le monde ; La place du prix du carbone dans l’accord de Paris. Brochure de 4 pages d'août 2016.