Publié le 31 juillet 2020
Mis à jour le 28 septembre 2020
Prévention des expulsions et trêve hivernale
En cas de loyer impayé, le locataire s’expose, après examen de sa situation, à la résiliation du bail et à une expulsion de son logement. Pour éviter les situations extrêmes et les mises à la rue, les pouvoirs publics s’efforcent de prévenir, le plus tôt possible, les expulsions locatives.
La politique de prévention des expulsions locatives
Les politiques préventives datent du début des années 1990 et ont été renforcées par la loi de lutte contre les exclusions de 1998. Depuis, la logique poursuivie par les pouvoirs publics a été de passer d’un traitement de l’expulsion, considéré comme un problème d’ordre public, à un traitement social et préventif, le plus en amont possible, afin d’éviter la phase contentieuse et de limiter l’expulsion locative pour dettes de loyer aux seuls locataires de mauvaise foi. Pour ce faire, divers dispositifs de prévention sont mis en place :
- la mise en place d’une procédure pré-contentieuse spécifique avant saisine du juge, dans le parc social, l’instauration d’une démarche de prévention placée sous la responsabilité du préfet durant la phase contentieuse pour tous les locataires (1998) ;
- l’octroi de pouvoirs nouveaux au juge judiciaire et l’aménagement des conditions de réalisation des expulsions (1998) ;
- l’obligation de réaliser une charte départementale de prévention des expulsions afin que l’ensemble des partenaires se mobilisent pour réduire sensiblement le nombre des expulsions (1998) ;
- les aides au maintien dans le logement des fonds de solidarité logement (FSL) ;
- la mise en place des protocoles de cohésion sociale, permettant dans le parc HLM le maintien du ménage dans les lieux et le rétablissement de l’aide personnelle au logement, même après résiliation de bail, sous réserve du respect par le locataire de ses engagements : reprise du paiement régulier du loyer et des charges ou versement de l’indemnité d’occupation lorsque le bail a déjà été résilié, début d’apurement de l’arriéré locatif (2005) ;
- la création des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), généralisées à partir de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. L’objectif de cette commission est d’examiner les dossiers difficiles au cas par cas en associant les acteurs concernés, notamment les services de la préfecture, du conseil départemental et les organismes payeurs des aides personnelles au logement (CAF et MSA) afin d’aider les ménages en difficulté à trouver une solution à leur situation, le plus en amont possible de la procédure. Elle permet de rendre plus cohérent le traitement d’un dossier aux différents stades de la procédure d’expulsion.
Une politique renforcée par la loi Alur dans l’objectif d’intervenir dès les premiers incidents de paiement
- L’obligation est faite aux bailleurs personnes physiques de signaler à la CCAPEX les commandements de payer les plus importants et aux bailleurs personnes morales de saisir la CCAPEX au moins deux mois avant l’assignation sous peine d’irrecevabilité de la demande ;
- La CCAPEX doit être systématiquement alertée par les CAF / MSA en vue de prévenir la suspension des aides personnelles au logement (APL et AL). La décision de maintien de l’aide par l’organisme payeur est réputée favorable pour les locataires de bonne foi.
Le décret du 6 juin 2016 simplifie le maintien des aides au logement aux locataires de bonne foi en cas d’impayés, il met notamment en œuvre le principe selon lequel les aides au logement sont maintenues pour les allocataires de bonne foi. Il poursuit un double objectif de réduction des délais de procédure et de coordination renforcée avec la procédure d’expulsion locative. Il permet, en particulier, d’agir avant la constitution d’une dette importante que le locataire ne serait plus en capacité de rembourser et de prévenir les expulsions en traitant le plus en amont possible la situation des allocataires en difficulté.
Mieux protéger les ménages menacés d’expulsion tout au long de la procédure d’expulsion et renforcer leur accès au droit au logement opposable
- La systématisation du « diagnostic social et financier » au stade de l’assignation, alors qu’avant « l’enquête sociale » (son ancienne appellation) n’était exigée qu’en tant que de besoin ;
- Les ménages sont informés de la possibilité de déposer un recours au titre du DALO, au stade du jugement et au stade du commandement de quitter les lieux ;
- La commission de médiation DALO, lorsqu’elle reconnaît le relogement d’un ménage prioritaire et urgent, peut saisir le juge aux fins de suspension de l'expulsion (délais « de grâce ») et prise en compte par le juge, lorsqu’il étudie une demande de délais « de grâce », d’un éventuel recours DALO ;
- L’allongement des délais de paiement et des délais de « grâce » pouvant être accordés par le juge de l’expulsion et le juge de l’exécution, ces délais sont portés à 3 ans maximum, contre respectivement 2 ans et 1 an avant la loi ALUR ;
- La création d’un délit pénal sanctionnant le fait d’expulser par la contrainte un ménage sans avoir obtenu le concours de l’État, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, hors les cas où la loi le permet.
Renforcer la coordination des dispositifs de prévention des expulsions et notamment la CCAPEX
- Le double rôle de la CCAPEX est précisé par le décret n°2015-1384 du 30 octobre 2015 :
- un rôle de coordination, d’évaluation et de pilotage de la politique départementale en matière de prévention des expulsions locatives ;
- un rôle de traitement des situations individuelles des ménages menacés d’expulsion.
- La désignation d’un correspondant par la CCAPEX auprès de la commission de surendettement en vue de favoriser la coordination des actions est introduite ;
- La nécessité pour chaque département de se doter d’une charte de prévention de l’expulsion est réaffirmée ;
- La charte départementale pour la prévention des expulsions doit refléter la mobilisation de l’ensemble des partenaires du territoire pour la prévention des expulsions locatives. Le décret du 31 mars 2016 précise le contenu ainsi que les modalités d’élaboration, de signature et d’évaluation des chartes.
Une politique consolidée par les lois Egalité Citoyenneté et ELAN
La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a complété le dispositif existant par les mesures suivantes :
- La dématérialisation via l’application EXPLOC des signalements et saisines parvenant au préfet ou à la CCAPEX dans le cadre d’une procédure d’expulsion en provenance des huissiers de justice et des bailleurs personnes morales ;
- L’ajout dans la liste des publics prioritaires pour l’attribution de logements locatifs sociaux des « personnes menacées d’expulsion sans relogement » ;
- L’extension aux lieux habités de certaines garanties encadrant la procédure d’expulsion et jusqu’alors réservée aux locaux d’habitation.
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a permis l’articulation de la procédure d’expulsion locative et de la procédure de surendettement (article 118 de la loi) afin de maintenir dans leur logement les locataires de bonne foi ayant repris le paiement de leur loyer et s’acquittant du remboursement de leur dette locative. La loi ELAN a ainsi mis fin aux injonctions contradictoires faites au locataire débiteur relatives au remboursement de sa dette locative qui, soit lui faisait perdre le bénéfice du dispositif de traitement du surendettement si le locataire débiteur continuait à payer son loyer, soit voyait la procédure d’expulsion reprendre s’il privilégiait l’échéancier mis en place par la commission ou le juge du surendettement.
La trêve hivernale : la fin des expulsions, mais pas des poursuites
La trêve hivernale commence le 1er novembre et prend fin le 31 mars. Chaque année, durant cette période, les locataires ne peuvent plus être expulsés de leur logement.
Durant cette période, les locataires sont protégés de toute mise à la rue. Ce délai supplémentaire doit être mis à profit pour activer tous les dispositifs de relogement.
Cette trêve signifie que tout jugement ordonnant l’expulsion d’un locataire, devenu définitif, ne peut être exécuté de force pendant cette période de grâce. Elle s’applique même si le juge a ordonné des délais pour exécuter l’expulsion et que ces délais ont expiré.
En revanche, la trêve hivernale n’interdit pas aux propriétaires de demander et d’obtenir un jugement d’expulsion, ni même de signifier au locataire le commandement de quitter les lieux. En effet, seules les mesures d’exécution de l’expulsion avec le concours de la force publique sont suspendues. Si l'expulsion est ordonnée par le juge, elle sera alors effective dès la fin de la trêve.
Toutefois, la loi ELAN a supprimé le bénéfice de la trêve hivernale pour les squatters entrés dans le domicile d’autrui. Pour les squatters d’autres locaux que le domicile (ex: locaux vacants) la possibilité de réduire ou de supprimer la trêve hivernale est laissée à l’appréciation du juge.
Le saviez-vous ?
La trêve hivernale des expulsions, instituée par la loi du 3 décembre 1956, est un acquis du combat de l’Abbé Pierre et un des fruits de son célèbre Appel du 1er février 1954.