Publié le 03 août 2020
Mis à jour le 22 septembre 2025
La location touristique meublée
Les meublés de tourisme sont des villas, appartements, ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire pour une durée limitée. Ces meublés font désormais l'objet d'une régulation autorisée pour certaines communes et notamment celles en forte demande de logements.
Que sont les meublés de tourisme ?
Les meublés de tourisme sont définis à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme comme « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine, ou au mois ».
Il en ressort que :
- les meublés de tourisme se distinguent des chambres chez l’habitant, puisqu’ils doivent être à l’usage exclusif du locataire ;
- ils se distinguent des résidences principales, y compris des locations en bail mobilité, car ils sont destinés à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile (cependant, une résidence principale peut, de manière occasionnelle, être louée comme meublé de tourisme à une autre personne, qui n’y élit pas domicile) ;
- ils se distinguent des autres types d’hébergement touristique, notamment des hôtels, car ils n’offrent pas les mêmes prestations que ces derniers (notamment accueil, restauration, nettoyage, etc.). Lorsqu’ils sont classés, les meublés de tourisme peuvent cependant offrir certaines prestations.
Quels sont les textes applicables aux meublés de tourisme ?
Les meublés de tourisme relèvent principalement du code du tourisme (articles L. 324-1 à L. 324-2-1) et du code de la construction et de l’habitation (articles L. 631-7 à L. 631-10).
D’autres dispositions ayant une incidence sur les meublés de tourisme peuvent également être trouvées dans les codes de l’urbanisme, de la copropriété, et dans le code général des impôts. Pour plus de détails, consultez :
Guide de la réglementation des meublés de tourisme (version 2025)
La réglementation des meublés de tourisme s’inscrit également dans le cadre du droit européen, en particulier des dispositions de la directive dite « services » relatives aux régimes d’autorisation, et du nouveau règlement européen sur les locations de courte durée, qui entrera pleinement en vigueur en mai 2026.
Enfin, la réglementation des meublés de tourisme fait l’objet d’une abondante jurisprudence, qui peut venir éclairer les conditions de son application.
Les actualités règlementaires
La loi n° 2014-1039 du 19 novembre 2024 sur la régulation des meublés de tourisme au niveau local a renforcé et amélioré l'application de la procédure de changement d'usage, qui a pour objectif de permettre aux communes qui le souhaitent de protéger le logement pour la population permanente. Ce renforcement a suscité de nombreuses questions quant à son application concrète : définition de l'usage, usage de droit ou de fait, articulation de l'usage avec les autorisations d'urbanisme, application dans le temps de la notion d'usage...
La foire aux questions ci-dessous, a été élaborée en concertation avec de nombreux acteurs du secteur, répond de manière pragmatique à ces interrogation, afin de sécuriser juridiquement l'application de ce dispositif indispensable dans de nombreuses communes.
Foire aux questions sur l'application du changement d'usage (juin 2025)
La procédure de changement d’usage a été mise en œuvre après la Seconde guerre mondiale, afin de lutter contre la pénurie de logement. Son principe, inchangé, est que, dans les communes connaissant des pénuries de logement, un local à usage d’habitation conserve cet usage, sauf autorisation expresse.
La procédure de changement d’usage peut s’appliquer dans toute commune, sur délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale s’il est compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal.
Dans les communes où ne s’applique pas la taxe sur les logements vacants, la décision de mettre en place le changement d’usage doit être motivée par un déséquilibre de l’offre et de la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant.
Définition de l’usage : Usage ou destination ?
L’usage d’un local au sens du code de la construction et de l’habitation est distinct de sa destination au sens du code de l’urbanisme. Par usage, on entend la manière dont le local est utilisé, et le code de la construction et de l’habitation ne distingue qu’entre les locaux à usage d’habitation (les logements, qu’il s’agisse de résidences principales ou secondaires), et les locaux à autre usage. Par destination, notion issue du droit de l’urbanisme, on entend la raison pour laquelle un bâtiment a été construit ou transformé – cette destination implique le respect de normes d’urbanisme spécifiques. Il existe un grand nombre de destinations et sous-destinations.
L’usage d’habitation s'entend de tout local habité ou ayant vocation à l'être même s'il n'est pas occupé effectivement, ainsi que le précise désormais l’article L. 631-7 du CCH, tel qu’il résulte de la loi du 19 novembre 2024. Cela peut être, selon les circonstances, un usage de fait ou un usage de droit1. Est à usage d’habitation tout local qui sert, ou a vocation à servir, de logement2.
L’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH) définit le champ géographique dans lequel son changement est soumis à autorisation (alinéa 1), ainsi que le champ matériel (alinéa 2), et les conditions dans lesquelles il peut être prouvé (alinéa 3).
1 Cf. point 12, infra
2 A noter que le deuxième alinéa de l’article L. 631-7 précise que certains locaux, par exemple les annexes au logement, sont également à usage d’habitation, même s’ils ne sont pas eux-mêmes habités au sens strict.
La loi du 19 novembre 2024 n’a pas pour objectif de modifier la notion d’usage d’habitation, mais de préciser les conditions dans lesquelles la preuve de cet usage peut être apportée.
Le CCH ne connaît que deux usages :
- « habitation »,
- et « autre », c’est-à-dire tout ce qui n’est pas de l’habitation.
Les résidences secondaires relèvent bien de l’usage d’habitation (sauf à ce que, du fait de
locations de courte durée répétée, elles perdent cet usage, cf. infra).
Dans sa rédaction issue de la loi ALUR de 2014, l’article L. 631-7 du CCH précise que la location d’un local comme meublé de tourisme n’est pas un usage d’habitation. Dès lors, une personne souhaitant louer un local à usage d’habitation comme meublé de tourisme doit obtenir, dans les communes concernées, une autorisation de changement d’usage préalable.
Une exception s’applique cependant pour les résidences principales, telles que définies par l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs3 (cf. dernier alinéa de l’art. L. 631-7-1 A), qui peuvent être louées comme meublés de tourisme sans obtenir d’autorisation préalable de changement d’usage.
Attention : la résidence principale étant celle normalement occupée au moins huit mois dans l’année, il n’est pas possible de la louer plus de quatre mois par année civile comme meublé de tourisme – à moins d’obtenir une autorisation de changement d’usage, auquel cas il ne peut
plus s’agir d’une résidence principale.
Par ailleurs, le code du tourisme4 permet aux communes de fixer une durée maximale de location des résidences principales comme meublés de tourisme, qui peut être comprise entre 90 et 120 jours par année civile. Cette disposition ne relève cependant pas de la question de l’usage. Ainsi, dans une commune qui limite par exemple la location à 90 jours, une résidence principale louée 100 jours serait en infraction au code du tourisme, et encourrait les sanctions correspondantes (amende civile jusqu’à 15 000 € par meublé), mais pas en infraction au regard du changement d’usage, pour lequel les sanctions sont plus lourdes (amende civile jusqu’à 100 000 €).
3 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-
1290 du 23 décembre 1986
4 Au deuxième alinéa du IV de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme
Non. Le squat d’un local, c’est-à-dire son occupation sans l’accord de son propriétaire, quels que soient les moyens employés pour le faire (effraction, menaces, contrainte), ne peut être assimilée à un usage d’habitation, et ne peut pas avoir pour effet de changer l’usage du local.
La configuration des lieux peut être un indice permettant de confirmer leur usage d’habitation. Par exemple, un local désigné dans un acte notarié comme « un appartement composé d’une pièce, une cuisine, et une salle de bains » a de manière assez claire vocation à être habité. A l’inverse, un bureau, dans lequel sont aménagées des toilettes et qui comprend un canapé-lit, n’a pas pour autant un usage d’habitation, même si son occupant y dort occasionnellement.
En cas de doute ou d’ambiguïté, l’usage d’habitation doit être déterminé via la technique du « faisceau d’indices ».
Non. L’usage d’habitation d’un local peut être établi à partir de son utilisation réelle, passée ou présente, dans les périodes prévues à cet effet (cf. point 18). En revanche, le simple fait qu’un logement soit vacant, même depuis longtemps, ne lui fait pas perdre son usage d’habitation.
De même, un arrêté de mise en sécurité ou d’insalubrité interdisant provisoirement ou définitivement l’occupation d’un logement ne lui fait pas perdre son caractère de logement.
La loi du 19 novembre 2024 clarifie expressément ce point. De même, un logement qui ne serait pas considéré comme habitable ou décent ne perd pas automatiquement son usage d’habitation.
L’usage de droit est celui qui peut être démontré par une autorisation administrative le mentionnant explicitement. Cet usage de droit peut être établi, soit par une autorisation d’urbanisme, dans les conditions précisées infra, soit par une autorisation de changement d’usage délivrée par l’autorité compétente.
L’usage de fait est un usage qui est constaté par tout mode de preuve, même en l’absence d’autorisation administrative le mentionnant explicitement. Est un logement ce qui est utilisé comme logement, ou a vocation à l’être (cf. infra).
L’usage d’habitation peut être un usage de fait, ou un usage de droit. Dans de nombreux cas, l’usage de fait et l’usage de droit coïncident.
L’usage de droit peut être plus facile à déterminer, puisqu’il suffit de rechercher un document souvent disponible dans une base de données ou auprès de l’autorité compétente. Néanmoins, cet usage de droit peut ne pas être suffisant dans le cas de l’habitation, ne serait-ce que parce que les transformations de locaux autres que d’habitation en locaux d’habitation ne s’accompagnent généralement pas d’une autorisation administrative.
Dès lors, ne rechercher que l’usage de droit reviendrait à considérer qu’un local, construit pour un usage autre que d’habitation, ne pourrait jamais devenir à usage d’habitation, même lorsque cet usage de fait pourrait être démontré de manière constante et sur une longue durée. Une telle interprétation serait contraire à la vocation de la procédure de changement d’usage, à
savoir la protection du parc de logements.
Le troisième alinéa de l’article L. 631-7 du CCH dispose qu’un local « est réputé à usage d’habitation » s’il était affecté à cet usage :
- soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976,
- soit à n’importe quel moment au cours des trente dernières années.
Dans les deux cas, il s’agit d’une présomption qui ne peut être écartée que par les preuves qui sont listées au quatrième alinéa du même article. En l’occurrence, la présomption d’usage d’habitation ne peut être écartée que par une autorisation de changement d’usage postérieure, accordée contre compensation.
En principe, l’usage de fait d’habitation prévaut sur l’usage de droit, pourvu qu’il puisse être démontré par tout moyen dans l’une des deux périodes de référence (du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1976, ou dans les trente dernières années).
A l’inverse, l’usage de fait autre que d’habitation ne prévaut pas sur un usage d’habitation de droit.
Ce principe connaît une exception pour les locaux à usage autre que d’habitation construits ou transformés après 1970. Pour ces locaux, c’est l’usage résultant du permis de construire ou de la déclaration préalable en cas de travaux, qui prévaut (sauf s’il s’agissait de locaux à usage d’habitation, pour lesquels une autorisation de changement d’usage reste toujours nécessaire).
La situation peut être résumée par le tableau suivant :
Principe | Exception | |
---|---|---|
Période 1970-1976 inclus | Usage habitation de fait : preuve par tout moyen | Obtention d’une autorisation de changement d’usage à caractère réel, sauf usage habitation de fait postérieur à l’autorisation à l’intérieur de la période fixe ou de la période glissante |
Période intermédiaire | Usage habitation de droit : preuve au moyen d’une autorisation d’urbanisme | |
Période glissante de 30 ans | Usage habitation de fait : preuve par tout moyen |
Ces conclusions découlent de la combinaison de différents alinéas de l’article L. 631-7 du CCH.
Ainsi :
- pour les locaux construits avant 1970, le CCH dispose ainsi qu’ « un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage » dans l’une des deux périodes de référence, et que « cet usage peut être établi par tout mode de preuve » ;
- par exception, pour les locaux construits ou ayant fait l’objet de travaux après le 1er janvier 1970, l’usage réputé est celui pour lesquels les travaux ont été autorisés ;
- toutefois, par exception à l’exception, le code dispose que « une autorisation d’urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d’habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d’une autorisation de changement d’usage ».
Dans l’hypothèse d’un contentieux, il reviendra à la partie qui conteste l’usage de prouver que l’usage n’est pas licite.
Le troisième alinéa de l’article L. 631-7 du CCH dispose que : « les locaux construits ou ayant fait l’objet de travaux après le 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés, sauf autorisation ultérieure mentionnée au même quatrième alinéa. »
Cette exception ne s’applique toutefois pas pour les locaux à usage d’habitation, pour lesquels le cinquième alinéa du même article précise que le permis de construire ou de travaux ne peut changer l’usage que s’il est accompagné d’une autorisation de changement d’usage.
Deux décisions importantes ont été rendues par le Conseil d’Etat en 2019 et par la Cour de cassation en 2023. Ces deux arrêts concernent l’état du droit avant la loi du 19 novembre 2024 – leur lecture permet néanmoins d’éclairer les dispositions en vigueur depuis.
La décision du Conseil d’Etat considère que la date du 1er janvier 1970 n’est qu’une borne pour le passé, au-delà de laquelle il n’y a pas lieu de rechercher si un usage d’habitation était fondé en droit, pourvu qu’il soit bien établi à cette date. Elle considère par ailleurs que, dès lors que l’usage d’habitation est établi, par tout mode de preuve, il ne peut être remis en cause que par
un acte positif (autorisation de changement d’usage, le cas échéant à l’occasion de travaux).
Elle considère en revanche que la même valeur n’est pas attachée à un usage « autre » établi au 1er janvier 1970.
L’arrêt de la Cour de cassation estime en revanche qu’un usage d’habitation doit être établi à la date précise du 1er janvier 1970. A défaut, et même si cet usage peut être établi à une date ultérieure, il ne peut pas être pris en compte.
La loi du 19 novembre 2024 est venue supprimer la date de référence du 1er janvier 1970, pour la remplacer par deux périodes : du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1976 et les trente dernières années.
Cette disposition modifie la portée de la jurisprudence de la Cour de cassation précitée, en « élargissant » le 1er janvier 1970. En effet, la preuve peut désormais être apportée, non plus sur une seule journée, mais sur une période totale pouvant aller jusqu’à 37 ans.
La période allant de 1970 à 1976 correspond aux dernières grandes révisions foncières qui ont été menées dans la plupart des communes. C’est donc une période utile et adaptée pour pouvoir établir, dans de nombreux cas, un usage initial pour tous les locaux plus anciens – et ainsi éviter d’avoir à faire des recherches plus anciennes. Ces révisions ayant duré un certain
temps, la période a été étendue pour couvrir, non plus le seul 1er janvier 1970, mais toute la période de sept ans.
Toutefois, de nombreuses communes ne disposent plus des archives correspondant aux révisions foncières des années 1970. Chaque année, cette période de référence conduit les communes à faire des recherches dans un passé de plus en plus lointain. C’est pourquoi le législateur a ouvert une deuxième période, celle des trente dernières années, dans laquelle
l’usage actuel peut être déterminé.
La période de trente ans à considérer est celle qui se termine, soit à la date de la demande d’une autorisation de changement d’usage, soit à la date à laquelle l’usage est contesté dans le cadre d’une procédure judiciaire. Cette période est donc « glissante ».
Pour les locaux construits avant 1970, l’usage d’habitation peut être prouvé à n’importe quel moment durant la période de trente ans5. Ainsi, si un local a eu, même de manière ponctuelle, un usage d’habitation au cours de la période, cet usage est réputé acquis dès lors qu’aucune autorisation de changement d’usage n’est intervenue postérieurement.
La période de trente ans n’a donc que pour effet de borner la période pendant laquelle la preuve de l’usage d’habitation peut être apportée par tout moyen. Elle ne crée aucune exigence d’usage continu ou de durée d’usage.
Cette période de trente ans ne concerne pas les locaux autres que ceux d’habitation construits après 1970, ou qui ont fait l’objet de travaux depuis. Pour ces locaux, c’est l’usage prévu dans le permis de construire qui prévaut.
5 Ainsi que dans la période du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1976
L’article L. 631-8 du CCH dispose que « Lorsque le changement d’usage fait l’objet de travaux entrant dans le champ d’application du permis de construire, la demande de permis de construire ou la déclaration préalable vaut demande de changement d’usage. Ces travaux ne
peuvent être exécutés qu’après obtention de l’autorisation (de changement d’usage) mentionnée à l’article L. 631-7. »
Cette disposition vise à faciliter les démarches des particuliers, en considérant que, même s’ils ne le précisent pas explicitement, une demande d’autorisation d’urbanisme qui entre dans le champ du changement d’usage doit être considérée par l’administration comme valant également demande de changement d’usage, et être instruite aussi sous ce regard. Pour autant,
cela ne veut pas dire qu’une autorisation d’urbanisme accordée vaut automatiquement autorisation de changement d’usage (cf. infra).
Pour les communes, cela signifie qu’une vigilance particulière est nécessaire, afin de bien identifier, parmi les demandes de changement de destination, celles qui entrent également dans le champ du changement d’usage.
Le Conseil d’Etat a rappelé le principe d’indépendance des législations dans sa décision « Eurotrade Fish » du 9 février 20236, dans laquelle il précise que l’autorisation de changement d’usage « vise à assurer le maintien, dans certaines communes, d’un nombre suffisant de logements, tandis que le permis de construire (vise) à contrôler le respect des règles d’urbanisme, lesquelles peuvent dépendre de la destination de construction. Ces règles qui relèvent de législations indépendantes ont un objet et reposent sur l’appréciation de critères qui sont, au moins pour partie, différents ». Sur ce fondement, il a jugé qu’un particulier ne peut pas se prévaloir de l’obtention d’une autorisation d’urbanisme pour prouver qu’il avait le droit de changer l’usage du local concerné.
La loi du 19 novembre 2024 est venue réaffirmer ce principe, en clarifiant, dans le nouvel alinéa 5 de l’article L. 631-7 du CCH, que « Une autorisation d’urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d’habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d’une autorisation de changement d’usage. »
Cette disposition est interprétative : elle a pour objet de clarifier la loi, dans un souci d’intelligibilité et d’accessibilité du droit, mais ne crée pas de règle nouvelle.
A noter cependant que, depuis 2005, l’article L. 631-8 du CCH dispose que « lorsque le changement d’usage fait l’objet de travaux entrant dans le champ d’application du permis de construire, la demande de permis de construire ou la déclaration préalable vaut demande de changement d’usage. »
Par ailleurs, ces demandes sont soumises au principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation.
Dès lors, il faut considérer que :
- le principe est bien que les autorisations d’urbanisme ne peuvent servir de preuve de l’usage que si elles sont accompagnées d’une autorisation de changement d’usage.
- néanmoins, à compter de 2005, cette autorisation de changement d’usage n’a pas besoin d’avoir été explicitement demandée, la demande d’autorisation d’urbanisme valant elle-même également demande d’autorisation de changement d’usage, dès lors qu’elle rentre également dans le champ de ce dernier.
- les deux autorisations, d’urbanisme et de changement d’usage, peuvent par ailleurs avoir été acquises implicitement après expiration du délai de réponse, dans le silence de l’administration, dans les conditions prévues par le principe « silence vaut acceptation ».
- même en cas d’obtention d’une autorisation d’urbanisme, les travaux ne peuvent commencer qu’une fois l’autorisation de changement d’usage obtenue7 – dans le cas d’une autorisation implicite, et si les délais d’instruction sont différents, il faut donc bien attendre que les deux délais soient passés.
6 CE 5ème chambre, 09/02/2023, n° 462409
7 Cf. articles L. 631-8 du code de la construction et de l’habitation et L. 425-9 du code de l’urbanisme
Non. L’usage de fait d’un local peut évoluer, même en l’absence de travaux, ou d’autorisation d’urbanisme. C'est notamment le cas lorsqu'un local à usage d'habitation est utilisé comme meublé touristique sans que ce changement d'usage ne nécessite la réalisation de travaux ou la transformation du local, ou encore lorsqu’un local à usage autre que d’habitation est transformé, sans travaux et sans qu’une autorisation de changement d’usage ne soit nécessaire, en un local à usage d’habitation.
Ce cas de figure est celui d’un local à usage initial autre que d’habitation, qui serait transformé en local à usage d’habitation, laquelle transformation aurait nécessité une autorisation de changement de destination qui n’a pas été obtenue. Le propriétaire commet alors une infraction au code de l’urbanisme, mais pas au regard de la législation relative au changement
d’usage.
En l’état de la jurisprudence sur l’indépendance des législations, il semble que si le changement de destination était illicite, cela ne doit pas empêcher de considérer l’usage d’habitation comme licite, celui-ci pouvant en tout état de cause être effectué sans autorisation de changement d’usage. Il s’agit alors d’un usage de fait.
Le changement d’usage serait donc licite, même si le changement de destination ne l’était pas.
En principe, la loi n’est pas rétroactive, elle n’a donc vocation à s’appliquer que pour l’avenir.
De ce fait, seuls les manquements constatés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi peuvent être jugés sur son fondement.
Il s’ensuit que :
- Un usage illicite antérieur à l’entrée en vigueur de la loi devra être prouvé et sanctionné selon les critères en vigueur au moment où il a été constaté (cf. à ce sujet le récent avis
de la Cour de cassation8). - En revanche, un usage illicite postérieur à l’entrée en vigueur de la loi, pourra être prouvé et sanctionné selon les critères issus de la loi du 19 novembre 2024. En effet, la loi n’a pas modifié les cas dans lesquels une autorisation de changement d’usage est obligatoire – elle a seulement élargi les périodes au cours desquelles l’usage légal d’un bien peut être démontré.
Il convient de souligner que le changement d’usage peut être une infraction répétée. Ainsi, chaque utilisation non conforme à l’usage du local (matérialisée par exemple par un contrat ou un bail) constitue une nouvelle infraction. Il s’ensuit que le fait d’avoir, avant l’entrée en vigueurde la loi, loué comme meublé de tourisme un local dont l’usage d’habitation ne pouvait alors pas être démontré, ne confère pas automatiquement le droit de continuer à le faire après l’entrée en vigueur de la loi.
Pour pouvoir déterminer si l’usage illicite d’un local entre dans le champ d’application de la loi nouvelle, il y a donc lieu de distinguer entre la pratique de cet usage et son constat et de sérier
plusieurs cas de figure :
- Conformément à l’avis de la Cour de cassation, un usage illicite pratiqué et constaté antérieurement à la loi du 19 novembre 2024 doit être jugé selon la loi antérieure.
- Un usage pratiqué et constaté postérieurement à la loi du 19 novembre 2024 doit être jugé selon la loi nouvelle.
- S’agissant de l’hypothèse spécifique où le constat de l’usage illicite serait postérieur mais la pratique antérieure à la loi du 19 novembre 2024, en l’absence à ce stade deposition jurisprudentielle sur ce point, il y a lieu de considérer que la loi nouvelle s’applique, car elle n’a pas modifié les conditions de légalité d’un changement d’usage, mais uniquement la preuve de l’usage. Une interprétation différente des modalités d’application dans le temps de la loi serait contraire à l’intention du législateur : en permettant de laisser perdurer des situations illégales non autorisées au titre du changement d’usage, elle viendrait limiter de manière importante le contrôle du changement d’usage que le législateur a entendu au contraire faciliter.
8 Pourvoi n° 25-70.002, 10 avril 2025
L’article L. 631-7 du CCH dispose, de manière inchangée depuis au moins 1978, que « sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article ».
Dès lors, lorsqu’un contrat ou une convention en cours porte sur un local dont l’usage fixé par le contrat n’est pas conforme à l’usage légal, ce contrat ou cette convention peuvent être annulés.
Il convient toutefois de souligner que la validité des contrats s’apprécie au regard de l’état du droit au moment où ceux-ci ont été conclus. Ainsi, la validité d’un contrat signé avant l’entrée en vigueur de la loi du 19 novembre 2024 s’apprécie au regard des critères alors en vigueur. En
revanche, lors de la conclusion d’un nouveau contrat portant sur le même local, ou de la reconduction ou du renouvellement, même tacites, de ce contrat, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, ce sont les critères de cette loi qui s’appliquent.
En pratique, cela signifie que :
- une location comme meublé de tourisme qui commence avant l’entrée en vigueur de la loi, mais se termine après, ne pourra être sanctionnée qu’en fonction des critères de l’ancienne loi ;
- en revanche, si le même local est à nouveau loué comme meublé de tourisme après l’entrée en vigueur de la loi, cette location pourra être sanctionnée selon les critères de la nouvelle loi.
Par ailleurs, la validité d’un contrat de longue durée (bail commercial, par exemple) conclu avant l’entrée en vigueur de la loi, ne pourra être apprécié que selon l’état du droit au moment de sa signature. S’il n’est pas conforme à la nouvelle loi, il ne pourra en revanche ni être renouvelé, ni être reconduit, même tacitement.
Avant 2005, les autorisations de changement d’usage, même avec compensation, pouvaient être temporaires, et non pas définitives. L’ordonnance de 2005 a toutefois admis que l’autorisation avait un caractère définitif si le bénéficiaire de l’autorisation était toujours présent dans les locaux concernés au 10 juin 2005.
Par ailleurs, la loi dispose depuis 2005 qu’une autorisation administrative9 de changement d’usage, dès lors qu’elle a été accordée contre compensation, peut servir à établir l’usage réputé du local (ainsi que du local ayant servi de compensation). En pratique, les autorisations accordées avant 2005 sont donc toujours en vigueur, qu’elles aient ou non expiré, pourvu qu’elles n’aient pas été remises en cause par un usage de fait ou de droit ultérieur, dans les mêmes conditions que pour les autres autorisations.
9 Les autorisations de changement d’usage étaient alors accordées par le préfet
NOVEMBRE 2024
La location de meublés touristiques a connu un essor considérable en France, contribuant à réduire le nombre de logements disponibles comme résidences principales, voire à augmenter les prix. Ce constat a conduit à l'adoption de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale. D'initiative parlementaire, elle est le fruit d'un an et demi de travaux menés par le Parlement, avec l’appui du Gouvernement et des services de l’État.
Pour améliorer la régulation des meublés touristiques, elle agit sur plusieurs plans :
- Elle facilite l’action des élus locaux qui, au quotidien, agissent pour préserver le logement de la population permanente. Les communes qui le souhaitent peuvent plus facilement soumettre à autorisation préalable tout nouveau meublé touristique. Elles peuvent fixer un nombre maximal d’autorisations dans certaines zones. Elles peuvent réduire la durée maximale de location des résidences principales en meublés touristiques. Le plan local d’urbanisme peut désormais délimiter des zones dans lesquelles les constructions nouvelles de logements devront être utilisées exclusivement comme résidences principales. Pour permettre aux élus locaux de mieux connaitre et suivre le développement des meublés touristiques, la procédure d’enregistrement sera généralisée sur l’ensemble du territoire national à compter de la mi-2026.
- Elle agit sur la fiscalité, pour rapprocher la rentabilité des locations de meublés touristiques de celle des locations de longue durée. Ainsi, à partir des revenus de location de 2025, la fiscalité sur les meublés touristiques non classés sera alignée sur celle des locations nues.
- Elle soumet progressivement les locations meublées touristiques aux mêmes exigences de performance énergétique que les logements.
- Elle clarifie la situation dans les copropriétés. De nombreux propriétaires et locataires souhaitaient en effet pouvoir mieux maîtriser la location de meublés touristiques dans leurs copropriétés. Désormais, pour toutes les nouvelles copropriétés qui se constitueront après l’entrée en vigueur de la loi, les règlements de copropriété devront préciser si la location de meublés touristiques y est autorisée ou non. Dans les copropriétés existantes, la régulation est facilitée en permettant d’interdire la location de meublés touristiques non plus à l’unanimité, comme auparavant, mais à une majorité suffisante de copropriétaires.
AVRIL 2024
A l’issue d’un processus européen dans lequel la France a pris toute sa place, les instances européennes ont adopté le Règlement 2024/1028 du 11 avril 2024 concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée.
Ce règlement entrera pleinement en vigueur en mai 2026.
Il permettra d’harmoniser, au niveau européen, la manière dont les plateformes en ligne de location de courte durée sont tenues de communiquer, aux autorités locales et nationales des États-membres, toutes les données utiles à la connaissance statistique et au contrôle du respect de la réglementation nationale par les loueurs de meublés de tourisme.
En particulier :
- Le règlement harmonise et fiabilise les différents systèmes d’enregistrement préalable des locations de courte durée. En France, cela se traduira par une extension des informations qui pourront être exigées à l’enregistrement, ainsi qu’un meilleur contrôle de leur fiabilité.
- Le règlement impose à chaque État-membre de créer un portail numérique unique qui gèrera à la fois la délivrance des numéros d’enregistrement, et la mise à disposition des données des plateformes aux collectivités territoriales ainsi qu’aux services statistiques. En France, ce mouvement a été anticipé, puisqu’une première plateforme devrait être disponible dès mai 2025, avant la généralisation de l’enregistrement à tous les meublés de tourisme à partir de mai 2026.