Publié le 30 octobre 2024

Intervention liminaire de François Durovray devant la Commission sénatoriale de l'aménagement du territoire et du développement durable

  • Discours

Seul le prononcé fait foi


Monsieur le président de la Commission, Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui pour cette première audition devant la Haute Assemblée et votre commission depuis ma nomination en tant que Ministre délégué chargé des Transports.

Cette audition est l’occasion pour moi de vous présenter ma vision et mes principales priorités pour ce ministère, d’évoquer les enjeux pour 2025 au regard du projet de loi de finances dont vous allez débuter prochainement l’examen et surtout de répondre à vos questions.

Avant toute chose, je tiens à vous assurer que ces ambitions que je porte, sont portées collectivement avec mes collègues du pôle ministériel, avec la Ministre Catherine Vautrin ainsi que mes collègues Agnès Pannier-Runacher et Valérie Létard. Ensemble, nous partageons la conviction que la politique des transports doit être au service de la cohésion des territoires et de la transition écologique.
Je tiens également à vous dire à quel point je souhaite établir une collaboration étroite et constructive avec votre commission. Je sais l’expertise et l’engagement qui sont les vôtres sur les questions de transport et d’aménagement du territoire. Cette méthode de co-construction avec le Parlement, les collectivités territoriales et l’ensemble des acteurs du secteur est celle que je souhaite poursuivre et amplifier, car c’est la seule qui permettra de répondre efficacement aux défis des mobilités dans tous nos territoires.

Comme l’a souligné le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, nous faisons face à deux risques majeurs : notre dette publique et notre dette climatique.

Dans ce contexte, le secteur des transports se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Il représente un tiers des émissions de CO2 de notre pays et doit contribuer activement à l’atteinte de nos objectifs climatiques, avec une réduction attendue d’un tiers des émissions d’ici 2030. Je le rappelais devant cette même commission à l’Assemblée nationale, mais ce secteur représente également, un tiers des solutions. 
Face à ces défis, ma feuille de route s'articule autour de trois priorités que je souhaite porter avec la même détermination et le même niveau d'exigence, sans hiérarchie. Ces trois axes, complémentaires et indissociables, structureront mon action à la tête de ce ministère.

Ma première priorité : être le ministre des transports de ceux qui n’en ont pas. Aujourd’hui, 15 millions de Français sont en situation de précarité de mobilité et 84% des déplacements domicile-travail s’effectuent en voiture individuelle. Cette situation n’est plus tenable, ni socialement, ni écologiquement. L’accès à la mobilité interroge directement la place de chaque individu dans la société et doit s’envisager comme un outil pour retisser des liens souvent distendus entre le cœur des métropoles et leurs périphéries et les zones rurales. C’est pourquoi je présenterai au premier trimestre 2025 un plan de Cars Express, une solution rapide et peu coûteuse pour offrir une alternative à la voiture individuelle, complémentaire au transport ferroviaire pour des centaines de milliers de nos concitoyens. Je pourrais d’ailleurs développer ces ambitions plus en détail lors de nos échanges.

Ma deuxième priorité vise à accélérer la décarbonation du secteur des transports. Je crois dans le progrès technologique, notamment dans le développement des véhicules électriques et dans un mix énergétique équilibré en fonction des besoins et des usages. La route est et restera le moyen privilégié pour nos déplacements, il nous faut trouver des solutions pour la décarboner rapidement.

Ainsi, pour que le secteur des transports atteigne ses objectifs nous devons également travailler à la transformation des usages. Dans les zones urbaines et denses nous devons continuer de soutenir le développement des modes actifs, à commencer par la pratique du vélo, de façon complémentaire aux transports collectifs. Je tiens à l’affirmer ici, le vélo a toute sa place sur la voirie au même titre que la voiture, et beaucoup a été fait par l’Etat pour sécuriser et encourager la pratique cyclable au cours des derniers années avec notamment le Plan vélo lancé en 2020.

Nous devons continuer de soutenir le développement du fret ferroviaire, dans un contexte budgétaire contraint. L’objectif établi par Elisabeth Borne de consacrer 100 milliards d'euros pour le ferroviaire d'ici 2040 reste la feuille de route du Gouvernement, nous devrons en sécuriser l’exécution.

Notre excellence industrielle dans le secteur aéronautique est un atout majeur, et nous devons continuer à soutenir le développement de carburants alternatifs durables. Les investissements prévus en 2025 permettront notamment de déployer la feuille de route du CORAC pour préparer le successeur de l’A320.

Ma troisième priorité est d’assurer la pérennité de nos infrastructures de transport. Le constat est sans appel, nous étions il y a encore quelques années à la tête du classement mondial en termes de qualité de route, nous sommes aujourd’hui à la 18e place. Le réseau routier constitue le premier patrimoine de l’Etat, et sa préservation est une responsabilité majeure face aux défis du changement climatique.

S’agissant du projet de loi de finances pour 2025, je veux être précis avec vous sur les moyens engagés. 
Les crédits du programme 203, principal levier de l’Etat pour décarboner les transports, augmentent dans le projet de loi de finances de 2% en 2025, soit 94 millions d’euros supplémentaires. Cette hausse permettra notamment de financer la régénération des infrastructures, avec une croissance de 4,5% des moyens dédiés. Les budgets dédiés à l’entretien du patrimoine routier et portuaires sont préservés, et nos engagements pour le fret ferroviaire sont tenus avec une hausse de plus de 10%.

Les crédits sont complétés par les fonds de concours de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIFT), qui disposera en 2025 de 3,7 milliards d’euros de recette affectées. Si ce montant est en baisse par rapport à 2024, il permet de maintenir les investissements prioritaires, notamment dans la régénération du patrimoine existant. Les dépenses d’ordre régalien et de mise aux normes, en particulier pour la sécurité ferroviaire, sont sanctuarisés.

Il en est de même pour les Voies navigables de France, dont les recettes affectées augmentent de 5 %, et pour la Société des grands projets, pour laquelle elles augmentent de 8 %. Ces évolutions sont cohérentes avec les travaux en cours du Grand Paris Express ainsi qu’avec les besoins de régénération du réseau fluvial. Concernant le transport aérien, le budget annexe confirme la soutenabilité de son modèle économique, avec une reprise du trafic plus rapide que prévu et une trajectoire de désendettement encourageante, visant une dette inférieure à 1,5 milliard d’euros en 20247 contre 2,7 milliards au sortir de la crise sanitaire. Ce budget permettra notamment de financer la modernisation des systèmes de navigation aérienne et des outils numériques de la DGAC.

Outre l’examen du projet de loi de finances pour 2025, nous devons regarder plus loin. Le modèle actuel de financement des mobilités arrive à ses limites. Les recettes issues de la fiscalité des carburants devraient baisser de 13 milliards d’euros d’ici 2030 et le pilotage budgétaire annuel n’est pas adapté aux besoins d’investissements de long terme du secteur.

C’est pourquoi je lancerai au début de l’année 2025 plusieurs chantiers structurants.

D’abord une réflexion prospective sur l’avenir du financement des mobilités, associant étroitement le Parlement, les collectivités territoriales et l’ensemble des acteurs du secteur. Cette réflexion devra notamment aborder la question des concessions autoroutières, dont l’échéance approche entre 2031 et 2036, et explorer les possibilités de mobilisation des capitaux privés.

Ensuite, nous élaborerons une stratégie nationale fluviale. Les fleuves sont de puissants corridors de développement économique pour nos territoires. Je pense notamment à l’axe Rhin-Rhône qui a vocation à devenir une véritable dorsale européenne.

Nous organiserons également la conférence nationale de financement des SERM, prévue initialement en juin dernier. La transition du secteur du fret et du transport de marchandise reste également une priorité, en renforçant les connexions ferroviaires avec l’hinterland de nos ports.

Enfin, je tiens à saluer le travail législatif mené par votre commission, et particulièrement par le sénateur Tabarot, sur la sécurité dans les transports. La proposition de loi sur les caméras embarquées, adoptée au Sénat, répond à un besoin urgent de nos opérateurs. L'expérimentation menée depuis juillet 2020 a démontré son efficacité pour apaiser les tensions et désamorcer les conflits. Le Gouvernement soutient pleinement cette initiative et j'espère que nous pourrons aboutir rapidement à son adoption définitive, comme l'a encouragé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Pour conclure, Mesdames et Messieurs les sénateurs, il ne vous a pas échappé que mon ministère est à présent rattaché au pôle élargi du Partenariat avec les Territoires et de la Décentralisation. Ce choix n'est pas anodin : il traduit notre conviction que les mobilités sont la clé de voûte de la cohésion sociale et territoriale. Vous êtes d'ailleurs nombreux à m'avoir interpellé sur les enjeux spécifiques de vos territoires, et je mesure l'importance de chacune de ces situations locales.

Cette proximité avec les territoires, cette capacité à comprendre et à répondre aux besoins spécifiques de chaque bassin de vie, c'est la marque de fabrique de la Haute Assemblée. C'est aussi la méthode que je souhaite porter à la tête de ce ministère : une méthode fondée sur l'écoute, le dialogue et la co-construction avec l'ensemble des acteurs.

Vous pouvez donc compter sur ma détermination à travailler avec vous pour bâtir un système de transport plus juste et plus durable. Notre responsabilité collective est de garantir à chaque citoyen, où qu'il vive sur notre territoire, un accès à des mobilités adaptées à ses besoins, tout en respectant nos engagements climatiques. Je suis maintenant à votre écoute pour répondre à vos questions.