Publié le 22 octobre 2024

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Discours - Intervention Liminaire de François Durovray lors de son audition devant la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale le 22 octobre

Seul le prononcé fait foi.

Intervention Liminaire de François DUROVRAY, ministre délégué aux Transports, lors de son audition devant la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2024.

Madame la Présidente de commission, mesdames et messieurs les députés,


Merci de m’accueillir dans votre commission pour ma première audition en tant que Ministre délégué en charge des Transports. 


Cette audition est l’occasion pour moi de vous présenter les principales priorités de ma feuille de route à la tête de ce Ministère, d’évoquer ensemble les enjeux du Ministère des Transports au regard du budget 2025, et surtout de répondre à vos questions.


Cependant, avant d’aller plus loin dans mon propos je tiens à saluer le travail des services du Ministère et de l’Etat, en particulier les équipes de la Direction Interrégionale des Routes Centre-Est, ainsi que les équipes de SNCF Réseau pour leur mobilisation exemplaire face aux intempéries de la semaine dernière qui ont durement touché les départements du Rhône et de l’Ardèche. 


La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes, les canicules comme les inondations, nous rappelle presque quotidiennement l’urgence à agir contre le dérèglement climatique et à préparer la France aux conséquences prévisibles de ce dérèglement. Nous connaissons tous ici le rôle que le secteur des transports a à jouer dans la transition écologique et énergétique et l’importance de l’adapter au changement climatique. 


Le Premier Ministre l’a rappelé dans sa déclaration de politique générale, nous faisons face à deux risques majeurs, d’une part la dette publique, et d’autre par notre dette climatique.


La lutte contre le changement climatique constitue le grand défi de notre génération, aussi devons-nous continuer d’œuvrer ensemble à atteindre nos objectifs de transition écologique. Le respect de la trajectoire carbone impose de réduire les émissions de CO2 de 105 Mt d’ici 2030. Le secteur des transports représente un tiers des émissions du pays. C’est donc un tiers du problème… mais aussi un tiers des solutions !


Je crois dans le progrès technologique, notamment dans le développement des véhicules électriques, et dans un mixte énergétique équilibré en fonction des besoins et des usages que ce soit pour le transport de voyageurs, le fret ou la logistique. Je crois aussi dans la décarbonation du transport aérien, et dans le développement de carburants d’aviation durable. L’excellence de notre industrie aéronautique est une chance pour notre pays et nous devons continuer à la soutenir activement, en particulier dans le cadre du Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile (CORAC).


Néanmoins, pour que le secteur des transports atteigne ses objectifs nous devons aussi travailler à la transformation des usages. Dans les zones urbaines et denses nous devons continuer de soutenir le développement des modes actifs, à commencer par la pratique du vélo, de façon complémentaire aux transports collectifs. Je tiens à l’affirmer ici, le vélo a toute sa place sur la voirie au même titre que la voiture, et beaucoup a été fait par l’Etat pour sécuriser et encourager la pratique cyclable au cours des derniers années avec notamment le Plan vélo lancé en 2020. Ce développement doit s’accompagner d’une réflexion sur le partage de la voirie entre ses différents usages. Vous me permettrez, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, d’avoir ici une pensée pour Paul Varry, ce cycliste parisien engagé pour la construction d’une ville apaisée, qui a été écrasé par un automobiliste après une banale altercation sur la route.


Cependant la réalité des mobilités en France se dessine également en dehors des métropoles. 15 millions de Français sont aujourd’hui en situation de précarité de mobilité. 84% des déplacements domicile-travail s’effectuent en voiture et seul. C’est pourquoi notre première priorité doit être de lutter contre l’autosolisme et de développer l’offre de transports collectifs pour apporter des solutions concrètes sur les trajets longs du quotidien.


A cet égard mon message est très simple. Je veux être d’abord et avant tout être le Ministre des transports de ceux qui n’en n’ont pas. 
Dans l’effort collectif de transition écologique que nous devons mener il nous faut toujours garder au cœur l’objectif de cohésion du territoire. C’est l’objectif que nous partageons avec les Ministres Catherine Vautrin, Agnès Pannier-Runacher, Valérie Létard, et l’ensemble des ministres du pôle.


L’accès à la mobilité interroge directement la place de chaque individu dans notre société. Elle doit donc s’envisager au service des citoyens comme un outil pour retisser des liens souvent distendus entre le cœur des métropoles et leurs périphéries. C’est dans cet esprit que je souhaite présenter au 1er trimestre 2025 un plan cars Express. Parce que je suis convaincu qu’il s’agit d’une solution rapide, peu coûteuse et performante pour proposer une offre de transports collectifs, complémentaire au transport ferroviaire, à des centaines de milliers de nos concitoyens.


Vous avez compris que je fais du développement de l’offre de transports de voyageurs un enjeu essentiel de mon mandat à la tête de ce ministère. Pour autant je ne perds pas de vue les enjeux prioritaires que représentent la transition du secteur du fret et du transport de marchandises. 


Nous devons continuer de soutenir le développement du fret ferroviaire, dans un contexte budgétaire exigeant. 


La transition écologique du fret et du transport de marchandises passe également par le soutien de nos interfaces portuaires et le renforcement des connexions ferroviaires avec leur hinterland. Très concrètement je crois que le Havre a vocation à devenir le port de Prague. De la même façon nous continuerons d’accompagner le développement et la transformation du secteur fluvial qui doit capitaliser sur les Jeux olympiques et paralympiques pour passer à la vitesse supérieure. Les fleuves sont de puissants corridors de développement économique pour nos territoires. Je pense par exemple à l’axe Rhin-Rhône qui a vocation à devenir une véritable dorsale européenne. Pour porter cette ambition nous présenterons début 2025 la stratégie nationale fluviale qui prendra la forme d’engagements réciproques qui lieront l’État, les collectivités et les professionnels du secteur.


Il ne vous a pas échappé que pour tenir ces engagements il nous faudra trouver de nouveaux financements pour rendre crédible l’ambition portée par mes prédécesseurs et qui reste ma feuille de route ; je pense au choix d’investir en priorité dans le ferroviaire, colonne vertébrale de snotre système de transport, ou encore aux stratégies de développement du fret ferroviaire, fluviale et portuaire. 


Alors que votre commission s’apprête à démarrer l’examen pour avis du projet de loi de finances, je tiens à souligner notre enjeu commun à sécuriser les moyens nécessaires à l’entretien de nos infrastructures de transports. Je trouve à cet égard toujours utile de rappeler que le réseau routier national constitue, et de très loin, le premier patrimoine de l’Etat. [En 2023 : 350 Md€ au total, concédé et non concédé, sur 600 Md€ d’immobilisations corporelles au bilan de l’État.]


Le dérèglement climatique laisse présager une aggravation de la dette grise de notre pays, avec un impact fort sur les réseaux d’infrastructures tous modes confondus. L’adoption de la Loi d’Orientation des Mobilités, à laquelle cette commission a beaucoup œuvré, en 2019 a permis d’établir une programmation, que le Conseil d’Orientation des Infrastructures est venu affermir. Cependant la question du financement demeure captive du débat annuel sur le budget de l’Etat.


Le budget des transports 2025 est un budget de résilience : il finance les fondamentaux et préserve le présent. Pour autant, ma responsabilité est aussi de préparer l’avenir. 


A cet égard, la vérité m’oblige à vous dire que le modèle actuel de financement des mobilités sera bientôt obsolète dans le contexte de la transition écologique. Il s’appuie sur des recettes qui sont soit volatiles soit menacées. Ainsi, les prévisions dont nous disposons montrent que le produit de la fiscalité des carburants, qui finance notamment l’AFITF mais également nos collectivités territoriales, sera en baisse de 13 Md€ à l’horizon 2030. 


Fondamentalement, le budget pour 2025 souligne les limites d’un pilotage budgétaire annuel, voire infra-annuel, face au besoin d’une trajectoire pluriannuelle de financement des infrastructures de transport qui s’inscrit nécessairement dans le temps long. Afin de pérenniser le financement de notre système de transport, il est dès lors indispensable d’imaginer un nouveau modèle qui soit soutenable tant budgétairement que du point de vue écologique. À défaut, les engagements climatiques de la France ne pourront être tenus.


C’est la raison pour laquelle je souhaite engager au début de l’année 2025 une réflexion prospective sur l’avenir du financement des mobilités, infrastructures et services de transports. Le Parlement y sera naturellement associé de même que les collectivités territoriales, les acteurs économiques et les opérateurs du secteur, ainsi que les usagers pour débattre et formaliser des propositions de moyen et long-terme. Cette réflexion devra aborder de manière globale le financement des mobilités. 


Je souhaite que nous puissions y encapsuler plusieurs chantiers majeurs à commencer par la mise en œuvre des projets de SERM dont la conférence de financement devait se tenir en juin dernier. 


Parce que nous avons aujourd’hui l’ardente obligation de « faire beaucoup avec peu », cette conférence ne devrait pas porter uniquement sur les financements publics des mobilités mais aborder aussi la mobilisation de capitaux privés et la contribution des usagers, à raison des avantages qu’ils retirent de ce service. En particulier, la fin des concessions autoroutières entre la fin de l’année 2031 et 2036 ouvre une fenêtre d’opportunité qui doit être saisie dès maintenant pour débattre des différentes options possibles pour l’avenir des autoroutes. 


En outre, elle devra prendre en compte les enjeux d’adaptation au changement climatique ainsi que ceux liés à l’innovation qui est la clef pour faire émerger de nouvelles solutions décarbonées et moins onéreuses. 


Mesdames et messieurs les députés, je me réjouis de travailler conjointement avec vous pour faciliter le quotidien des Français et améliorer leur qualité de vie, et je me tiens désormais à votre écoute.