Publié le 02 septembre 2025

Temps de lecture : 9 minutes

Discours d'Agnès Pannier-Runacher : Ouverture de la conférence de presse Météo-France sur le bilan climatique de l’été 2025

Bonjour à toutes et tous,

Cette rentrée 2025 n’est pas une rentrée comme les autres. C’est une rentrée sous haute tension, une rentrée de tous les périls. Mais le premier des périls n’est pas forcément celui auxquels pensent les uns les autres : c’est celui de notre urgence climatique et écologique.

Bonjour à toutes et tous,
Cette rentrée 2025 n’est pas une rentrée comme les autres. C’est une rentrée sous haute tension, une rentrée de tous les périls. Mais le premier des périls n’est pas forcément celui auxquels pensent les uns les autres : c’est celui de notre urgence climatique et écologique.  

Au sortir de l’été, le 3e été le plus chaud (cela été confirmé ce matin), deux signaux importants doivent nous alerter :
•    D’abord les inondations et les risques d’orage, avec encore 7 départements en vigilance orange pour pluie-inondation hier matin, et 3 en vigilance orange pour les orages. Obligeant les Bouches-du-Rhône et le Var à repousser le jour de la rentrée des classes. Cela montre que les dérèglements ne se limitent pas à la canicule en été. Et qu’ils ne s’arrêteront pas du jour au lendemain parce que nous décidons que les vacances sont terminées.

•    Dans le même temps pourtant, et malgré deux épisodes de canicule particulièrement importants cet été, durant lesquels l’indicateur thermique national a dépassé les 28°C à deux reprises (le 30 juin et le 1er juillet) – il était de 20°C en moyenne à cette période entre 1981 et 2010 – durant lesquels aussi le seuil des 35 degrés a été dépassé à de nombreuses reprises (15 fois à Carpentras, 9 fois à Toulouse et Carcassonne, 4 fois à Nîmes et Aix-en-Provence) ; dans le même temps donc, les résultats d’un récent sondage sur « L’état d’esprit des Français à la rentrée 2025 » montrent que le degré de priorité assigné à la protection de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique est au plus bas depuis 3 ans. 45% des Français considèrent ces deux enjeux tout à fait prioritaires aujourd’hui. C’est 5 points de moins qu’en janvier. Et surtout 24 points de moins qu’il y a 3 ans, en août 2022.

Les températures montent ? Notre niveau de préoccupation baisse. Les thermomètres chauffent ? Nous semblons rester de glace. Les orages et les incendies ravagent nos cultures et nos paysages ? Notre esprit est déjà ailleurs… à la rentrée.

Pourtant, nous savons tous que l’été que nous venons de vivre constitue à bien des égards un point de bascule. Un de plus :
•    Le seuil des 40°C a souvent été atteint ou dépassé dans le sud : à 32 reprises au mois d’août, dans 20 stations Météo France ;
•    Et les feux de forêt ont ravagé 30 000 hectares. Le feu de Ribaute, qui a brûlé plus de 11 000 hectares, constitue un record historique de surface pour l’Aude mais aussi pour toute la zone méditerranéenne sur les 52 dernières années. Et dois-je mentionner les plus de 300 000 hectares de territoires brûlés en Espagne ?

Cet été est un avant-goût de l’après. Un avant-goût malheureusement édulcoré.
Car les vagues de chaleur seront plus fréquentes et plus intenses dans les années à venir : à l’horizon 2100, les prévisionnistes considèrent qu’elles pourront durer jusqu’à deux mois en continu et le réchauffement moyen en France métropolitaine sera de +4°C, quand bien même nous aurions atteint la neutralité carbone en 2050.
L’horizon 2100, ce n’est pas un futur lointain : les enfants qui naissent cette année auront 75 ans en 2100. Vos enfants, vos neveux, vos nièces, vos petits cousins, les enfants de vos amis qui naissent cette année, auront 75 ans en 2100. Et seront là pour vivre dans cette France à +4°C.

Cette réaction d’amnésie est tout à fait consciente et voulue. Après de tels événements où nos corps et la nature ont souvent été mis à rude épreuve, la tentation est grande de vouloir tourner la page. C’est humain. Nous voulons nous projeter dans l’après-été.
Nous voulons penser à autre chose. Nous voulons échapper à la réalité du dérèglement climatique, devenu désormais une « urgence climatique », et pour laquelle, pourtant, nous avons des moyens et des plans d’action, j’y reviendrai.
Cette réaction de cécité collective n’est pas tenable, elle est dangereuse.

Dans le même temps, une autre situation inacceptable nous menace. Certains veulent imposer leur propre déni en menaçant les météorologues et les scientifiques. Chaque semaine, parfois même chaque jour, les scientifiques sont menacés directement, personnellement, et font l’objet de déversements d’insultes sur les réseaux sociaux. Insultés et menacés parce qu’ils font leur travail de d’information et de prévention. Leur travail de vulgarisation et de diffusion de l’information.
Nous ne devons rien laisser passer.

Je suis avec la plus grande attention ces situations et j’appelle chaque scientifique victime de ces faits à les signaler au plus tôt.
La parole scientifique est menacée de mort car elle fait peur. Et cette tendance se trouve malheureusement légitimée par ce que nous voyons outre-Atlantique. C’est ce que j’appelle la « trumpisation » des esprits. Les vrais « écoterroristes » sont, selon moi, ceux qui terrorisent les scientifiques et les météorologues, et plus largement celles et ceux qui s’engagent.
Vous pouvez compter sur moi pour mettre la science au cœur de notre action, au cœur de ce ministère, et l’organisation d’une conférence de presse comme celle-ci en témoigne.

La science doit rester notre boussole. Elle doit être notre boussole, en tant que société.
Aller contre la boussole de la science, ce serait brouiller nos indispensables repères scientifiques, collectifs et la confiance que la population met dans la parole du politique.
Nous avons besoin des météorologues, nous avons besoin de la communauté scientifique et de tous les agents de Météo France. Nous avons besoin des agents de Vigicrues, de la météo des forêts, de la cellule de crise de ce ministère, du BRGM, des agents des préfectures qui aujourd’hui sont en première ligne dans la gestion du risque et la gestion des crises. C’est un travail de service public de premier plan indispensable et qui sauve des vies.

La science est une arme face à l’urgence climatique, que j’évoquais tout à l’heure.
Peut-être un jour, le ministère portera ce nom – « ministère de l’urgence écologique ». Les choses seraient sans doute plus claires qu’avec le mot « transition », dont il faut bien reconnaître que les Français ne savent pas trop où elle va.
Peut-être un jour, comprendrons-nous qu’il faut des mesures fortes, rapides, coordonnées, et prioritaires sans céder à la panique ou à la fatalité
Peut-être un jour, les entreprises feront du travail sur ce risque très élevé que représente l’effondrement de la biodiversité pour leurs activités une priorité. Rappelons que 72% des entreprises de la zone euro dépendent de manière critique de la bonne conservation des écosystèmes naturels (c’est un chiffre de la Banque centrale européenne, peu suspecte d’être ennemie de l’économie).
Peut-être un jour, l’écologie sera présentée pour ce qu’elle est vraiment : la protection de l’ensemble de notre industrie, en repensant nos modes d’approvisionnement en matières premières, en métaux critiques, qui nous rendent encore trop dépendants de certains pays.
C’est le sens du Critical Raw Materials Act, que j’ai porté en 2021 en tant que ministre de l’Industrie, et accompagné en tant que ministre de l’Energie : sécuriser nos approvisionnements, diversifier nos partenaires, développer nos capacités de recyclage et, en France, valoriser nos ressources minières de manière responsable.
Peut-être un jour, comprendrons-nous que l’écologie n’est pas une option. Qu’elle est la condition sine qua non de notre santé, de la préservation de notre cadre de vie, de notre sécurité économique, de notre indépendance politique, et de notre souveraineté nationale.

L’écologie est une arme dans un contexte géopolitique qui a évolué et qui, précisément, est l’occasion de redistribuer les cartes. Et peut-être de rafler la mise économique.
Le sens de mon action, c’est de faire en sorte que ce jour arrive, non pas en 2100. Mais demain.

Vous l’avez compris, l’été 2025 est un point de bascule car il nous montre ce qui nous attend. Mais il doit aussi être l’été où nous reprenons confiance en nous. Confiance aussi parce que nous avons un bilan :
•    Les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de plus de 20% ces 7 dernières années, nous permettant de rattraper le retard de nos prédécesseurs (et d’éteindre le contentieux contre l’inaction climatique de l’Etat).
•    La pollution de l’air a baissé de plus de 30% ces 5 dernières années.
•    Nous sommes un des pays les plus avancés en termes de législation pour la lutte contre le gaspillage avec la loi Agec.
•    Nous venons de voter une loi interdisant les PFAS dans les cosmétiques et les vêtements, ainsi qu’une loi contre la mode non durable.
•    Nous avons pris, pendant la Conférence des Nations Unies sur les Océans, des décisions permettant de protéger 78% de notre domaine maritime – pourtant le 2e plus grand domaine maritime mondial – dont 10% – la demande des scientifiques – en protection stricte absolue.
•    J’ai présenté en mars le plan national d’adaptation au changement climatique. Il a été voté à l’unanimité moins une voix par les représentants de toutes les associations environnementales, toutes les associations d’élus, de jeunes, les représentants des entreprises, et de l’essentiel des syndicats de salariés.
•    La programmation pluriannuelle de l’énergie est prête.
•    La stratégie nationale bas carbone est prête.
•    La stratégie nationale alimentation nutrition climat est prête.

Depuis sept ans, nous avons inventé le ZAN, les ZFE, MaPrimeRenov, le fonds vert, le leasing social… Tout cela n’existait pas avant. Et quels que soient les coups portés par certains par démagogie à ces dispositifs, ils ont le mérite de toujours exister et d’obliger à débattre sur les questions de pollution de l’air, de sobriété foncière et son impact sur l’agriculture, d’évolution de nos logements et la lutte contre la précarité énergétique, ou de transformation écologique de nos territoires. Ce sont de bons combats. Ce sont de bons débats.
Nous avons aujourd’hui l’industrie qui utilise l’électricité la plus décarbonée d’Europe. Une électricité produite en France. C’est un avantage compétitif massif.

Nous ne devons donc pas avoir peur d’écrire les chapitres de la suite de cette histoire d’urgence écologique. Ces avancées sont considérables. 
Nous ne devons pas avoir peur d’entrer dans un monde de l’écologie de guerre. 
Pourquoi « écologie de guerre » ? Parce que nous sommes sortis de l’économie de l’abondance. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le philosophe Pierre Charbonnier. Cette économie de l’abondance qui nous a permis de construire la paix après la Seconde Guerre mondiale et de construire des progrès sociaux, mais en exploitant les ressources naturelles. Qui ne sont pas, et n’ont jamais été, illimitées.

Il nous appartient aujourd’hui de repenser notre manière de les utiliser. Et même si nous entrons dans le dur, si certains se réfugient dans le déni pour ne pas avoir à affronter l’obstacle, toutes ces avancées, tous ces progrès, tout ce bilan tous ces succès doivent nous donner confiance en notre capacité à nous transformer, à penser le temps long au détriment du court-termisme dans lequel voudraient nous emmener certaines figures politiques majeures, en France comme à l’étranger.

Je vais laisser à présent Virginie Schwarz faire une présentation plus détaillée des chiffres de ce bilan de l’été 2025.
Ce n’est pas un bilan positif. Mais nous ne sommes pas là pour reculer devant les difficultés, vous l’avez compris !

Je redis, pour conclure, tout mon soutien et tous mes remerciements à Météo France, à Vigicrues, à l’Office national des forêts, aux sentinelles des cellules de crise du ministère.
Mais aussi à nos pompiers et aux équipes de la protection civile, qui se sont investis sans relâche pour nous protéger et protéger les populations, les bâtiments, les cultures et les forêts. Ce travail a été remarquable : au début des années 1980, deux fois plus d’hectares étaient brûlés chaque année. C’est dire tout le travail d’organisation qui a été accompli.
Mon message est un message de détermination et un message d’espoir.
Merci à toutes et tous.

Retrouvez le bilan climatique de l’été 2025 de Météo-France