Publié le 14 novembre 2023
Discours de Christophe Béchu pour le lancement de la campagne de communication « Consommation et modes de vie : tendre vers des pratiques plus sobres » de l’ADEME
Hôtel de Roquelaure, le 14 novembre 2023 - Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président, cher Sylvain,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de lancer avec vous cette belle campagne de communication de l’ADEME sur la sobriété.
Pour un Ministre, lancer une campagne de communication en col roulé, c’est un peu se sentir comme Steve Jobs. A deux exceptions près : l’Hôtel de Roquelaure en automne ce n’est pas la Californie. Et Steve Jobs, il vendait des téléphones alors que moi, aujourd’hui, je suis venu vous dire de garder le vôtre.
Et ceci, croyez-moi, « c’est une révolution ».
Au-delà de la boutade, j’assume ce terme. Le changement dans notre façon de consommer, de produire et de jeter que nous devons collectivement entreprendre est une révolution.
La préservation de notre modèle de société dans un contexte de dérèglement climatique impose une transition vers plus de sobriété et impose de trouver un chemin vers une économie plus circulaire. C’est ma conviction la plus profonde et la vision que je porte depuis que je suis en charge de ce sujet au sein du Gouvernement.
Pourquoi cette révolution de la sobriété et de l’économie circulaire est une nécessité absolue ?
D’abord, bien sûr, pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre et notre empreinte sur les ressources de la planète. Les émissions de carbone associées à la fabrication des matériaux et des biens de consommation représentent 45% de notre empreinte carbone. Avec le levier de l’économie circulaire nous pouvons donc agir sur près de la moitié de notre empreinte climatique. Ce n’est pas rien.
Un chiffre de l’ADEME me semble très parlant à ce titre : prolonger d’une seule année la durée de vie du parc de gros électro-ménager français, c’est économiser la consommation énergétique annuelle d’1,6 millions de ménages, soit la taille d’une métropole comme Aix-Marseille ou Lille. Des petits gestes peuvent avoir des effets massifs sur nos émissions de gaz à effet de serre. C’est l’un des messages que nous voulons faire passer avec cette campagne de l’ADEME : chaque geste compte, chaque Français, chaque entreprise, est un acteur du changement.
Ensuite, on le dit trop peu mais je veux le rappeler, l’économie circulaire et la sobriété c’est bon pour notre souveraineté économique. Notre souveraineté en matière de ressources naturelles bien sûr, car nous dépendons trop aujourd’hui de matières premières que nous pourrions mieux recycler et réutiliser, comme les métaux critiques.
Mais aussi notre souveraineté commerciale : en réparant, en consommant moins de produits que nous importons de l’autre bout du monde, nous renforçons notre économie.
Enfin, l’économie circulaire c’est une solution pour relocaliser notre industrie et nos emplois, dans la réparation, le réemploi, le recyclage, qui sont autant d’emplois non délocalisables dans tous les territoires. L’économie circulaire, c’est déjà aujourd’hui plus de 500 000 emplois en France et c’est un chiffre en croissance continue. Oui, le ministère de l’écologie est un ministère de l’économie et de l’emploi durables !
Bonnes pour la planète, bonnes pour notre souveraineté économique, bonnes pour l’emploi, c’est tout ça la sobriété et l’économie circulaire.
Vous notez que je n’utilise pas le terme de décroissance. D’ailleurs, vous ne l’avez sûrement jamais entendu dans ma bouche. Et, je préfère le dire tout de suite, il ne s’agit pas de cela aujourd’hui dans la campagne de communication de l’ADEME.
La vision de sobriété et d’économie circulaire que nous portons, ce n’est pas dire : « acheter ou consommer, c’est mal ». Cela n’aurait pas de sens et frôlerait même une forme d’hypocrisie : nos emplois, nos services publics, nos retraites, sont garantis par une économie de marché qui a fait ses preuves pour assurer notre prospérité collective et qui repose, en partie, sur la consommation.
Je ne suis pas le Ministre qui ira dire aux commerçants d’Angers ou d’ailleurs qu’ils doivent disparaître, je ne suis pas le Ministre qui ira culpabiliser les Français dans leur acte d’achat. Pour une simple et bonne raison, je pense que c’est tout à fait contre-productif pour atteindre nos objectifs.
En revanche, j’assume de porter un discours de changement de modèle. Et j’assume de porter une politique d’incitation à ce changement de modèle. Cette politique que je porte depuis presque plus de 500 jours, elle comporte plusieurs axes sur lesquels je voudrais revenir très rapidement.
Le premier axe de notre politique de sobriété, qui est presque un axe de bon sens, c’est la lutte contre le gaspillage. Nous avons mis fin aux emballages plastiques autour de plusieurs fruits et légumes, nous avons interdit la destruction des produits invendus pour la remplacer par le don ou le recyclage, nous avons imposé le remplacement des produits plastiques à usage unique par des produits réutilisables, dans les restaurants rapides par exemple. Nous avons mis fin à des pratiques qui, dans une certaine mesure, pouvaient apparaitre choquantes pour nos concitoyens parce qu’elles choquaient leur bon sens. C’est loin d’être fini, bien sûr, mais nous avons avancé.
Le deuxième axe de notre politique, c’est de mettre le paquet sur le recyclage, en rendant beaucoup plus accessible le geste de tri.
Les Français sont aujourd’hui mieux informés que jamais des possibilités de recyclage avec le nouvel infotri qui se déploie depuis 2023 sur près de 100 milliards d’emballages et produits. J’ajoute que désormais, quasiment tous les Français peuvent trier tous leurs déchets d’emballages dans le bac jaune depuis le 1er janvier 2023.
Je l’ai dit et je le redis, le recyclage est un bon outil, mais il ne peut être pensé indépendamment d’un effort de sobriété dans la consommation et la production.
Enfin, le troisième axe de notre politique c’est la transition vers un modèle où la réparation et le remploi redeviennent la norme. Aujourd’hui même, est paru l’arrêté relatif au bonus réparation qui consacre l’élargissement et la simplification de ce dispositif.
Je ne reviens pas en détail sur ses modalités, que j’ai annoncées il y a quelques jours chez l’entreprise SEB. Je rappelle seulement que le bonus réparation sera doublé pour au moins trois catégories de produits, dont les télévisions, et qu’il sera augmenté d’au moins 5 euros sur l’ensemble des produits éligibles.
Dans la même logique, nous allons définir dans les prochains jours un système de primes et pénalités permettant de favoriser l’achat des produits électroniques et électriques plus réparables.
Vous avez compris notre logique avec ces deux dispositifs : inciter financièrement les Français à se tourner vers la réparation, en faire un automatisme, retourner vers une sorte de culture de la sobriété et du réemploi qui était celle que nous avions il y a encore deux générations.
C’est par ce défi que je voudrais terminer, qui est au cœur de la campagne de sensibilisation de l’ADEME. Le défi du combat culturel pour une certaine forme de sobriété.
J’ai parlé de notre politique de lutte contre le gaspillage, pour le recyclage et pour la réparation. Vous en comprenez la philosophie d’ensemble : inciter au changement de comportement en préservant la liberté et le pouvoir d’achat des Français.
Mais au cœur de cette méthode d’incitation, il y a la construction d’un imaginaire collectif différent. Il nous faut combattre des récits très puissants, qui sont totalement contraires au modèle de société durable que nous devons construire :
- je pense par exemple au récit de la fast fashion, qui propose une vision de la mode qui a des impacts absolument désastreux, et je pèse mes mots, sur le climat, la biodiversité et les océans ;
- je pense au récit du Black Friday, qui approche, qui vante un modèle de surconsommation insoutenable. Moi, je vous le dis, je rêve d’un Green Friday, où le récit de la sobriété, de la réparation et du réemploi serait mis à l’honneur, comme contre-modèle de société. C’est une idée que je défendrai pour faire mieux connaître aux Français toute la panoplie de mesures que j’ai évoquée.
Mesdames et Messieurs,
Vous avez compris l’enjeu. Avec cette campagne, nous souhaitons, sur le ton de l’humour, proposer aux Français quelque chose de sérieux : oui, vous avez des alternatives à l’acte d’achat. Pensez à la réparation, pensez au recyclage, pensez au réemploi, pensez, au fond, à toutes ces solutions, que nous avions en tête autrefois, qui peuvent vous permettre de prolonger la vie de ce que vous avez déjà.
Cette campagne sur la sobriété, ce n’est pas dire « acheter, c’est mal ».
C’est dire, « acheter, ce n’est pas la seule solution ». Et ça fait toute la différence. Quand votre lave-linge tombe en panne, vous pouvez le faire réparer avec le bonus réparation ; quand votre semelle se décolle vous pouvez la faire réparer avec le bonus textile ; pensez au téléphone reconditionné au lieu du téléphone neuf. Pensez à tout ce qui existe en-dehors de l’acte d’achat et qui peut constituer une alternative.
Avec cette campagne, nous assumons ce combat pour un récit différent. Un récit qui n’est pas un récit de culpabilisation, mais de solution. Un récit qui n’est pas de décroissance, mais de sobriété et d’économie circulaire. Un récit qui assume de dire : ce que l’on a déjà, avec les bons outils, peut parfois être suffisant.
Alors, bravo à l’ADEME pour cette campagne à la fois amusante et audacieuse. Vous allez le voir, elle évoque des sujets sérieux, mais sans se prendre au sérieux.
Merci à tous,
Retrouvez en ligne :
- les 4 spots TV de la campagne
- le dossier de presse de l’Ademe « Consommation et modes de vie : tendre vers des pratiques plus sobres »
- le replay de la matinée presse « Surconsommation, production à fort impact sur l’environnement »