Publié le 07 février 2019
Les nudges verts
On observe fréquemment un décalage entre les convictions environnementales et la réalité des comportements. Le nudge vert peut aider à réduire cet écart et permet d’aborder l’action publique à partir du comportement réel des citoyens. Il peut être un outil supplémentaire afin d’accélérer la transition écologique.
Qu’est-ce qu’un nudge vert ?
Le nudge, ou « coup de pouce » en français, est une théorie issue de l’économie comportementale, discipline au croisement entre économie et psychologie, selon laquelle certains facteurs sociaux, situationnels ou personnels peuvent inciter les personnes à adopter un comportement spécifique. Le concept a été exposé pour la première fois par Richard Thaler et Cass Sunstein : « Un nudge est un aspect de l’architecture des choix qui modifie de manière prévisible le comportement des individus sans interdire aucune des options et sans changer significativement leurs incitations économiques. Pour être un nudge pur, l’intervention doit être facile et peu coûteuse. » (Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision - 2010).
La commission générale de terminologie et de néologie recommande depuis 2013 l’usage du terme «émulation écologique» à la place de nudge vert afin de décrire une « incitation, par effet d'entraînement au sein d'un groupe, à adopter un comportement plus respectueux de l'environnement ».
Le nudge représente une alternative complémentaire aux incitations traditionnelles consistant à informer, imposer et convaincre.
L’utilisation des nudges dans les politiques publiques intéresse et inspire différentes institutions publiques françaises, notamment le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique qui dès 2014 a vu dans les nudges un nouvel outil pouvant être au service de l’action publique.
Quelques exemples de nudges verts
Le NudgeChallengeCOP21
En partenariat, le ministère, l’association NudgeFrance et la direction interministérielle de la transformation publique ont lancé en 2015 le concours NudgeChallengeCOP21 à destination des étudiants du monde entier dans le but d’imaginer les nudges verts de demain.
Le grand prix du jury proposait de réduire le gaspillage alimentaire dans les restaurants universitaires grâce à un jeu collectif, avec récompense à la clé : le gaspillage évité collectivement lors d’une semaine conditionnait le dessert proposé la semaine suivante.
L'impression recto-verso par défaut
Dans le cadre du plan administration exemplaire piloté par le ministère, grâce à la circulaire du 3 décembre 2008 relative à l'exemplarité de l'État au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics, l'activation par défaut de l’option d’impression recto-verso, au sein du ministère, à permis de réaliser d'importantes économie de papier.
Le contrôle de la consommation énergétique
Le ministère, après une phase d’expérimentation, a décidé de généraliser le déploiement des compteurs intelligents Linky. La mise à disposition des ménages des données de consommation en temps réel leur permettra de mieux contrôler la consommation énergétique dans leur foyer.
L’affichage environnemental
Le nudge peut aussi intervenir au moment de l’achat, pour inciter les consommateurs à acheter des biens durables. À ce titre, le ministère promeut l’affichage environnemental des produits, pour orienter les choix des consommateurs vers les produits les plus respectueux de l’environnement. Le support de l’affichage environnemental n’est pas neutre, et peut facilement faire l’objet de nudges. Dans le même ordre d’idée, l’indice de réparabilité sur lequel travail le ministère peut également faire l’objet de nudges.
Éléments critiques et prospectifs
Lors de nombreuses expériences menées par les chercheurs, les nudges verts ont donné des résultats très concluants pour multiplier les comportements vertueux. Toutefois, il existe certaines réserves quant à l’efficacité de cette nouvelle approche.
Le rapport sur l’incitation aux comportements écologiques (La fabrique écologique - Janvier 2016) relève ainsi de nombreuses limites pour les nudges :
- le manque d’efficacité de ces mesures dont les résultats dépendent du contexte socio-culturel, de l’orientation politique… ;
- le caractère éphémère de certains nudges qui ne changent pas toujours les habitudes ;
- la présence d’effets pervers, par exemple l’effet rebond (un comportement plus vertueux adopté grâce à un nudge peut entraîner une moindre vigilance par ailleurs) ;
- les questions éthiques dont la possibilité d’être manipulé ;
- une efficacité à la marge puisqu’elle ne pénètre pas le champ de conscience des individus et ne permet pas de changements radicaux, de remise en cause de comportements et de systèmes. Le terme « coup de pouce » est d’ailleurs explicite sur ce point.
Néanmoins, la connaissance de ces limites permet de mieux les maîtriser et l’intérêt pour les nudges, outil souvent simple et peu onéreux pour les politiques publiques.