Réacteurs du futur

Le Vendredi 24 novembre 2017

En vue d’améliorer les réacteurs nucléaires, des recherches sont menées, à plusieurs échelles de temps : à court et moyen terme, l’amélioration des performances des réacteurs actuels, à plus long terme, la conception de réacteurs de 4ème génération tirant pleinement profit de tout le potentiel énergétique de l’uranium ou du thorium et, à très long terme, la conception de réacteurs utilisant des réactions de fusion nucléaire au lieu de la fission utilisée dans les réacteurs actuels.

Les réacteurs de quatrième génération

Les bases de la réflexion sur les systèmes nucléaires avancés dit de quatrième génération ont été jetées par le Forum international Génération IV (GIF), association intergouvernementale, lancée en 2000 à l’initiative des Etats-Unis.

Ces systèmes doivent répondre aux critères suivants : durabilité du nucléaire, économie des ressources en uranium, poursuite des progrès en compétitivité et en sûreté atteints sur les réacteurs à eau de 3ième génération, minimisation de la production de déchets radioactifs, plus grande résistance à la prolifération nucléaire, application de l’énergie nucléaire à d’autres voies que la production d’électricité.

Le GIF a sélectionné six concepts de réacteur :

  • le réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium (RNR-Na),
  • le réacteur à neutrons rapides refroidi au gaz (RNR-G),
  • le réacteur à eau super- critique (RESC),
  • le réacteur à très haute température (RTHT),
  • le réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb (RNR-Pb),
  • le réacteur à neutrons rapides à sels fondus (RSF).

Parmi eux, quatre sont des concepts à neutrons rapides et constituent des options nucléaires pleinement durables (RNR-Na, RNR-G, RNR-Pb et RSF). Ils permettront en effet une valorisation efficace des matières radioactives par le multi-recyclage du plutonium et l'utilisation de l'uranium appauvri.

En France, le Groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires du 10 avril 2014 a confirmé qu’« à ce jour, parmi les différents systèmes nucléaires envisagés par le GIF, seul le système RNR-Na présente une maturité suffisante pour que la réalisation d’un prototype industriel de réacteur de 4ième génération soit envisageable dans la première moitié du XXIème siècle».

Le CEA concentre ses recherches sur la filière refroidie au sodium, avec le projet de démonstrateur technologique ASTRID, dont il est maître d’ouvrage, et sur la filière refroidie au gaz, qui apparaît comme une option à plus long terme et dont la faisabilité n’est pas encore démontrée.

La filière à sel fondu pourrait être considérée comme une alternative de long terme. Les études sont portées en France par le CNRS qui développe un projet appelé MSFR pour Molten Salt Fast Reactor, utilisant le thorium (au lieu de l’uranium) comme matière fertile, sous la forme d’un sel (fluorure) tenant à la fois le rôle du combustible et du caloporteur.

Le prototype industriel de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium ASTRID

Dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir lancé en 2010, la Convention du 9 septembre 2010 entre l’État et le CEA a confié au CEA les études de conception d’un prototype industriel de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium de 4ème génération jusqu’au niveau d’un avant-projet détaillé, le réacteur ASTRID. Le programme ASTRID comporte également les études de faisabilité ou de conception des installations du cycle associé ainsi que la remise à niveau de grands équipements de R&D et de qualification technologique.

Les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium présentent des caractéristiques techniques favorables et sont les seuls à bénéficier d’un retour d’expérience industriel substantiel. En France, le réacteur Phénix arrêté en 2009, après plus de 35 années de fonctionnement, représente un patrimoine de connaissances très important. Fort de ce constat, les acteurs français CEA, AREVA et EDF ont établi un programme de R&D orienté vers quatre axes prioritaires de progrès, qui ont servi à la définition des options préliminaires de conception du réacteur ASTRID :

  • la conception d’un cœur performant à sûreté améliorée, particulièrement axée sur la prévention des accidents graves pouvant conduire à la fusion généralisée du cœur ;
  • une résistance accrue aux accidents graves et aux agressions externes, notamment la conception de systèmes d’évacuation de la puissance résiduelle redondants et diversifiés, ainsi que les aspects liés au risque de recriticité et à la rétention d’un cœur fondu ;
  • la recherche d’un système de conversion d’énergie optimisé et sûr visant à diminuer, voire à faire disparaître totalement, le risque d’interaction entre le sodium et l’eau ;
  • les options de conception du réacteur pour faciliter l’inspection et la maintenance, et de façon plus générale, pour augmenter la disponibilité, les performances et l’économie globale de l’installation.

Le réacteur ASTRID est destiné en premier lieu à démontrer à une échelle suffisante les avancées technologiques précitées en qualifiant au cours de son fonctionnement les options innovantes, notamment dans les domaines de la sûreté et de l’opérabilité. ASTRID est donc un prototype d’intégration technologique d’une puissance électrique de 600 MWe permettant la démonstration de sûreté et de fonctionnement à l’échelle industrielle de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium de 4ème génération. Il doit également servir de banc d’essais à l’utilisation des techniques d’inspection avancées. Sa taille doit être suffisante pour permettre l’extrapolation au réacteur commercial, sans toutefois être excessive afin d’en limiter le coût et le risque industriel. Par exemple, la taille du cœur doit être suffisante pour que la démonstration de sûreté associée soit transposable à un cœur de plus grande taille.

Les programmes de recherche conduits dans ASTRID devraient permettre de démontrer la capacité des réacteurs à neutrons rapides à :

  • multi-recycler le plutonium contenu dans les combustibles usés en utilisant de l’uranium appauvri, en particulier les stocks de combustibles usés MOX issus des réacteurs à eau ;
  • stabiliser ou réduire les inventaires en plutonium par une consommation accrue de cette substance ;
  • transmuter l’américium en lien avec les recherches conduites par le CEA sur la séparation-transmutation des éléments radioactifs à vie longue.

Les travaux relatifs à l’avant‐projet ont commencé en 2010. Ils sont organisés en plusieurs phases :

  • la première phase de l’avant‐projet sommaire a eu pour but d’analyser les options ouvertes, en particulier les plus innovantes, pour sélectionner les principales options de conception que le CEA a présentées aux Pouvoirs publics fin 2012, échéance fixée par la loi du 28 juin 2006 ;
  • la deuxième phase de l’avant‐projet sommaire, a débuté en janvier 2013. Elle a visé à conforter la conception en finalisant les choix d’option et a permis de disposer fin 2015, d’un avant‐projet sommaire complet et cohérent.
  • Fort de ce résultat, l’avant‐projet détaillé a pu être lancé en 2016.

Réacteur à neutrons rapides et à sels fondus et cycle thorium

L’utilisation du thorium pour la production d’électricité nucléaire à l’aide de réacteurs à sels fondus présente des avantages certains notamment en raison de l’abondance des ressources, et de la facilité offerte de retraitement en continu du combustible du fait de son état liquide, mais également des inconvénients en termes notamment de démonstration de sûreté des réacteurs et de l’impossibilité d’amorcer un cycle thorium sans disposer d’uranium 235 ou de plutonium.

La faisabilité industrielle d’un réacteur de puissance n’est pas démontrée et les études demeurent conceptuelles. Bien que la démonstration expérimentale sur un petit réacteur ait été effectuée dans les années cinquante aux États-Unis, l’extrapolabilité à un réacteur de puissance en termes de quantité de sels fondus à manipuler, d’écoulement des sels, de conception des pompes et échangeurs, de conception de la ligne de retraitement et enfin de tenue des matériaux à la corrosion, n’a jamais été démontrée.

Ainsi, en l’absence de l’identification de bénéfices déterminants apportés par le cycle thorium, mais aussi parce que la France dispose d’une réserve conséquente d’uranium appauvri permettant d’alimenter des réacteurs à neutrons rapides à combustible solide dont la maturité technologique est bien plus élevée que celles de réacteurs fonctionnant sur le cycle du thorium, l’opportunité de changer de cycle du combustible nucléaire à court terme n’est pas démontrée.

La fusion nucléaire et le projet ITER

La fusion nucléaire

Une réaction de fusion nucléaire est possible, à partir de noyaux légers, libérant ainsi de l’énergie.

La seule réaction de fusion à avoir un seuil en énergie suffisamment bas, pour être envisageable en pratique, est la réaction de fusion entre les noyaux de deutérium et de tritium. Cette réaction ne peut se produire que si les atomes de deutérium et de tritium sont complètement ionisés, et n’est utilisable pour produire de l’énergie que si l’on maintient confiné et suffisamment chaud (température extrême) le plasma formé par les noyaux de deutérium, de tritium et les électrons provenant de l’ionisation.

Deux possibilités s’offrent pour assurer un tel confinement, soit au travers d’un champ magnétique adapté (qui confine les particules du plasma dans un espace fini), soit par des impulsions de faisceaux laser ou de faisceaux de particules convergents et pulsés.

Dans les systèmes à confinement magnétique (les plus développés étant de type « tokamak »), le chauffage du plasma s’opère de plusieurs façons : transfert au plasma de l’énergie des particules α issues de la réaction de fusion ; chauffage ohmique induit par le courant électrique du plasma ; chauffage par ondes électromagnétiques de haute fréquence ou chauffage par injection de particules neutres. Pour que la fusion soit utilisable comme source d’énergie, il est nécessaire que l’énergie fournie par la fusion soit supérieure à celle que l’on injecte pour chauffer et maintenir le plasma.

Des progrès considérables ont eu lieu dans les dernières décennies pour se rapprocher de performances nécessaires à une utilisation de la fusion. Cependant, de nombreuses questions technologiques restent à résoudre avant que l’on puisse envisager la construction d’une installation industrielle. Parmi ces difficultés technologiques, citons la tenue des matériaux au contact du plasma, le contrôle de la diffusion du tritium produits dans les couvertures tritigènes en lithium, et la minimisation de l’activation des matériaux de couverture.

Le projet ITER

Le projet mondial « ITER » (pour International Thermonuclear Experimental Reactor) de réacteur expérimental de fusion nucléaire a pour but de faire la démonstration scientifique et technique qu’il est possible d’utiliser la fusion pour produire de l’énergie. Les partenaires sont l’Union européenne, la Russie, le Japon, les États-Unis, la Chine, la République de Corée et l’Inde.

L’installation sera de type « tokamak » (température du plasma de 150 million °C). De taille et de performances proches des réacteurs industriels envisagés (avec 10 fois plus d’énergie produite que d’énergie injectée pour chauffer et maintenir le plasma, et avec un chauffage du plasma à 66 % par les rayons α libérés par la réaction de fusion), elle permettra d’effectuer, en configuration réaliste, la recherche encore nécessaire sur les matériaux et le fonctionnement d’un réacteur de fusion. Le site de Cadarache du CEA a été retenu pour accueillir cette installation, qui devrait être exploitée une vingtaine d’années.

Le calendrier actuel du chantier d’ITER est le suivant :

  • 2014-2021 : construction du bâtiment tokamak
  • 2010-2021 : construction de l’installation ITER et des bâtiments auxiliaires nécessaires au premier plasma
  • 2018-2025 : assemblage phase 1
  • Décembre 2025 : premier plasma

Comprendre les réacteurs du futur et la fusion nucléaire

Revenir en haut de la page