Publié le 12 septembre 2022
Discours de clôture d'Olivier Klein : Journées nationales "Construire ensemble les quartiers de demain" - ANRU
Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le Haut-Commissaire au Plan, cher François BAYROU,
Madame la présidente du conseil d’administration de l’ANRU, chère Catherine VAUTRIN,
Madame la présidente de France Urbaine, chère Johanna ROLLAND,
Monsieur le président d’Action Logement Groupe, cher Bruno ARCADIPANE,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Avant tout chose, je tenais à vous dire mon grand plaisir d’avoir pu passer une partie de ma journée à échanger avec vous.
Plaisir d’autant plus fort que nous nous retrouvons à nouveau « en vrai ». Une première depuis la pandémie.
Des retrouvailles qui font du bien et qui sont essentielles pour constituer une véritable communauté des acteurs du renouvellement urbain.
Ces heures passées avec vous tous, et avec les élus notamment, ont été l’occasion d’écouter vos interrogations et d’entendre les inquiétudes que vous relayez, vous qui êtes au plus près de la vie quotidienne de nos concitoyens.
J’ai tenu à y répondre avec franchise et transparence, dans un dialogue exigeant.
Comme je vous l’ai dit, je suis un maire, je suis des vôtres, et vous me trouverez toujours à vos côtés pour mener cette politique du renouvellement urbain.
Et puis, c’est heureux d’avoir pu échanger avec vous ici, dans ce beau cadre : un ancien dépôt ferroviaire transformé en un lieu culturel.
C’est tout un symbole : la ville s’adapte, se transforme au fur et à mesure des époques, des besoins. S’adapter en préservant l’existant, en le réhabilitant, en le rénovant, c’est finalement le sens de ce que nous faisons.
*
Transformer la ville, c’est changer la vie. Voici la mission de cette belle agence qu’est l’ANRU.
I - Une agence qui depuis sa création en 2004 a beaucoup évolué avec l’objectif constant d’accompagner les projets urbains pour que nos quartiers soient transformés en profondeur.
Si j’osais filer la métaphore ferroviaire, je dirais que l’ANRU est sur de bons rails.
Une agence dorénavant pilotée par vous, chère Catherine, et j’en suis très heureux parce que je connais vos convictions et vos engagements.
Je sais que vous serez une présidente engagée à poursuivre la transformation des quartiers à laquelle les habitants aspirent.
Cette transformation, elle est attendue et elle est légitime.
La politique du renouvellement urbain est une politique du temps long. Comme vous tous, je connais les problématiques : quel que soit l’engagement qui est le vôtre pour faire en sorte de compresser le temps, les projets peuvent se heurter à des difficultés opérationnelles. La politique de la ville n’est pas une « politique du claquement de doigts ».
Mais malgré ces difficultés, cette transformation elle est déjà en cours.
Je le dis comme je le pense : le bilan de l’ANRU est un bilan dont nous pouvons collectivement être fiers.
Avec des projets qui changent concrètement la vie des habitants. Avec une méthode partenariale qui s’appuie sur les forces vives de nos territoires, de l’Hexagone et de l’Outre-mer.
Le premier programme national de rénovation urbaine s’est achevé. Beaucoup d’entre vous ici ont travaillé, transpiré même, sur les projets de transformation de ces 600 quartiers.
Beaucoup d’entre vous poursuivent cette action pour le Nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), qui se déploie : la quasi-totalité des 453 projets est validée.
L’objectif maintenant est de permettre une mise en œuvre opérationnelle rapide.
Cette phase opérationnelle, elle est déjà lancée grâce à la mobilisation et l’engagement de tous les acteurs, publics et privés.
Les chantiers ont démarré dans près de 400 quartiers. Plus de 800 opérations sont d’ores et déjà achevées.
De la démolition de logements inadaptés à la réhabilitation, en passant par la création de nouveaux équipements publics, ce sont autant d’occasions d’améliorer le cadre de vie des habitants.
C’est très concret, l’ensemble des travaux de réhabilitation et de construction de logements neufs, uniquement en quartier ANRU, devraient permettre de faire économiser environ 100M€ par an à l’échelle des ménages. C’est une étude du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) qui le disait avant la flambée des prix de l’énergie. Imaginez aujourd’hui…
Permettre cela, c’est faire rester les habitants, leur permettre de s’épanouir, de s’émanciper.
Ils vont avoir plaisir à vivre dans leur quartier parce qu’ils auront droit au beau, au juste, au durable.
Ils auront un logement, un logement de qualité.
Ils auront une école dans laquelle ils ont confiance dans la réussite de leurs enfants. Une école qui est belle, qui est écologique, dans laquelle il y aura des ilots de fraîcheur, dans laquelle les filles ne seront pas condamnées à regarder les garçons.
Rénover les quartiers c’est rendre les habitants fiers de leur quartier. C’est aussi inciter de nouvelles personnes à s’y installer et donc créer les conditions de la mixité sociale.
Je le dis souvent : le grand idéal de la politique de la ville, c’est de donner aux habitants d’un quartier populaire la possibilité d’en partir mais l’envie d’y rester.
Cette envie de rester dans son quartier s’illustre aussi par les chiffres. Avec l’étude que vous avez menée cher Jean-Daniel LEVY, 82% des habitants des QPV se disent satisfaits de leur commune. Mais en même temps, ils sont 84% à souhaiter des améliorations.
C’est par des politiques publiques efficaces, justes et écologiques que nous arriverons à faire prospérer cette satisfaction et à l’amplifier pour répondre aux attentes.
II – Je vous l’ai dit, le bilan est bon, maintenant on accélère !
Les quartiers n’ont pas le luxe d’attendre et leurs habitants non plus !
Chaque minute de mon engagement en tant que ministre sera une minute d’action car il n’y a plus de temps à perdre. J’y mettrai toute ma force.
Je souhaite même que l’on aille plus vite et plus loin. Pour nos habitants, je le disais. Pour la planète aussi.
Face au réchauffement climatique qui se déroule sous nos yeux, ce n’est pas comme si nous avions le choix.
Le dérèglement climatique, il y a quelques années encore – pour ne pas dire il y a quelques mois – on pouvait le trouver dans les rapports, dans les discours, dans la littérature, au cinéma… Il se heurtait même aux élucubrations des climato-septiques.
Nous nous demandions alors : « quelle planète lèguerons-nous à nos petits-enfants ? ».
Chacun réalise à présent que tout cela, c’est déjà la réalité de notre génération.
Oui, notre génération est celle qui voit le dérèglement climatique se dérouler sous ses yeux.
C’est, pour beaucoup de Français, un choc. C’est également une réalité tangible, en particulier pour ceux qui habitent dans les quartiers populaires.
Dans ces quartiers, les vulnérabilités sont plus grandes qu’ailleurs. Vous l’avez d’ailleurs très justement rappelé, cher François GEMENNE.
Dans ces quartiers, l’urgence environnementale croise souvent l’urgence sociale.
Parce que la question environnementale est d’abord et toujours une question sociale.
Parce que l’empreinte carbone des 10% de Français les plus pauvres est entre 3 à 4 fois inférieure à la moyenne nationale, mais pourtant ce sont bien eux qui subissent le plus durement les conséquences du réchauffement climatique.
Des conséquences multiples et insupportables :
- économiques avec les factures d’énergie qui augmentent car le logement est mal isolé.
- Des conséquences sanitaires aussi avec l’exposition aux bruits et aux polluants.
Alors, je vous le dis, la ville de demain sera durable ou bien elle ne durera pas. Il n’y aura pas d’ambition urbaine sans ambition environnementale.
Face au changement climatique, nous avons des leviers, actionnons-les.
Le NPNRU est un outil pour la transition écologique. Un outil pour que nos quartiers s’inscrivent dans une dynamique d’excellence environnementale.
Du quartier de La Duchère à Lyon avec le renforcement de la sobriété énergétique des bâtiments aux quartiers Wolf Wagner à Mulhouse avec l’orientation des immeubles vers les points végétalisés : le NPNRU, c’est du concret.
Car oui, nous ne prônons pas une transformation écologique « vue du ciel » ; ce que nous portons, c’est une transition écologique du concret, du quotidien. Une politique de l’urbain et de l’humain, qui prend tout sa part dans le combat du siècle.
Cette ambition environnementale de la rénovation urbaine je veux la décupler.
C’est pour cela que je vous annonce aujourd’hui le lancement du projet « Quartiers résilients ».
Une démarche nécessaire et importante pour que nos quartiers puissent faire face aux crises environnementale et énergétique.
Certes, les projets ANRU sont déjà performants. Un seul chiffre : 90% des habitants bénéficiaires des projets de renouvellement urbain sortiront de la précarité énergétique.
Mais la réalité nous enjoint d’aller plus loin, car nous savons tous que ces projets qui ont été pensés ces derniers mois seront livrés dans plusieurs années.
Nous avons une responsabilité collective pour que ces beaux projets ne soient pas obsolètes face à l’urgence climatique.
Comment fait-on ?
Il faut commencer par vous donner les bons outils à tous, acteurs de la rénovation urbaine, et l’ANRU sera là pour ça : des journées comme celles-ci pour valoriser ce que vous faites pour adapter les quartiers au changement climatique, de la formation, de la mise en réseau.
Ensuite, il faut cette ambition pour tous les projets ANRU : je veux une revue de tous les projets existants, en 2023, sous l’égide des préfets. Les préfets, délégués territoriaux de l’ANRU, auront cet objectif clairement fixé : que tous nos quartiers deviennent résilients, d’identifier les actions à conduire.
Ils devront réexaminer tous les projets, car parfois, il suffit de pas grand-chose, de se reposer les bonnes questions : est-ce que la cour de l’école que l’on rénove sera moins bitumée ? Est-ce que la couleur de l’immeuble que l’on réhabilite reflètera moins les rayons du soleil ?
Il faut enfin des territoires pilotes, des poissons-pilotes pour imaginer l’avenir. Une cinquantaine de territoires seraient ciblés. L’ANRU y aura une action renforcée :
- pour financer de l’ingénierie ou de l’animation locale ;
- pour financer des investissements complémentaires avec une enveloppe de 100M€ de l’ANRU ;
- pour mobiliser tous nos partenaires, au cas par cas, pour répondre aux besoins qui émergeront.
Le fonds verts annoncé par la première ministre sera bien sur également l’un des outils pour amplifier ces actions.
Le projet « Quartiers résilients » sera adossé au NPNRU afin de profiter de la dynamique de transformation massive et profonde que j’ai rappelée précédemment.
Face à la crise sanitaire, l’abondement du NPNRU de 2 milliards d’euros en 2021 visait à répondre à ces nouveaux enjeux primordiaux.
Ces 100M€ devront être l’un des outils pour amplifier encore davantage l’impact des opérations financées par l’ANRU. Pour qu’on y soit, plus et mieux qu’ailleurs, prêts à y affronter la crise climatique. Pour que chaque euro des 12 milliards d’euros du NPNRU soit une petite brique pour que les habitants de nos quartiers vivent mieux dans le monde de demain.
Les projets ANRU étaient déjà vertueux, par la qualité environnementale des rénovations, par la rénovation des bâtiments publics, par des aménagements publics respectueux de l’environnement.
Je veux qu’ensemble, nous allions plus loin.
Je veux que l’on trouve dans ces quartiers les meilleures innovations en matière de végétalisation, en matière de récupération des eaux usées, de chauffage performant, ou sur tout autre sujet qui restera à inventer pour répondre à ce que la planète nous envoie comme signaux du dérèglement climatique.
Un quartier résilient, c’est aussi un quartier qui aide ses habitants à rester en bonne santé, qui lutte contre la pollution, qui permet l’activité physique, qui promet la pratique des sports de chacun, des petites filles et des petits garçons jusqu’au seniors. Un quartier résilient, c’est un quartier qui s’adapte à ses habitants, qui vieillissent, qui ont des enfants petits, puis plus grands. C’est un quartier qui sait accueillir des commerces et des activités qui vont évoluer au fur et à mesure que notre société évolue.
Je veux que l’on finance des actions innovantes, expérimentales, imaginées localement par vous, par et pour les habitants.
A juste titre, les habitants des quartiers populaires ont une envie, et un besoin d’excellence environnementale.
III – Alors oui on accélère, mais accélérons ensemble.
C’est la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui. L’occasion de se retrouver, de partager les expérimentations et les projets innovants, d’échanger sur la manière dont nous intégrons les enjeux de transition écologique et de résilience dans les projets de renouvellement urbain.
Parce qu’il n’y a pas de plans magiques et encore moins de ministres magiques : en matière de politique de la ville, on ne réussit qu’ensemble.
Alors ce projet « Quartiers résilients », je souhaite que tout le monde s’y engage : élus, bailleurs sociaux, entreprises, opérateurs…
Chacune et chacun doit participer à l’effort collectif. C’est indispensable pour les habitants, c’est indispensable pour la planète.
Les élus ont tout leur rôle à jouer. Je connais par cœur le rôle décisif des élus locaux pour transformer leurs villes, pour améliorer la vie de leurs administrés.
Les opérateurs et les bailleurs sociaux ont tout leur rôle à jouer. Parce que le logement c’est le logement de tous, il doit être au cœur de la transformation environnementale.
Les entreprises ont tout leur rôle à jouer. Comme l’a dit la Première ministre, la transition écologique sera la condition sine qua non de la compétitivité des entreprises.
J’émets donc le vœu que cette démarche ne soit qu’une première étape d’un projet plus vaste et plus ambitieux, un projet plus large qu’on appellerait Quartiers 2030.
Que nous travaillions ensemble, avec les partenaires habituels de l’ANRU, avec d’autres opérateurs de l’Etat.
Nous devons aller plus loin et travailler collectivement pour que les financements publics dans les quartiers populaires et dans les projets ANRU soient orientés vers la résilience, en tirant parti de cette formidable méthode que promeut l’ANRU.
Ce sera à la fois l’occasion pour l’ANRU d’intégrer encore davantage et de manière plus souple les nouveaux projets innovants, mais aussi d’aller plus loin avec les partenaires publics et privés de l’Etat.
Car le partenariat élargi que j’appelle de mes vœux pour « Quartiers résilients » doit être au cœur de notre méthode pour l’ensemble des actions à mener dans les prochains mois.
Ce travail collectif doit aussi permettre d’enrichir la réflexion sur les nouveaux contrats de ville dont la transition énergétique sera au cœur des enjeux.
Je veux que le cadre des contrats de ville soit assoupli pour que les priorités puissent être élaborées localement, en fonction des quartiers, qui n’ont pas tous la même histoire.
Je veux que les contrats de ville embarquent tous les acteurs, l’Etat et ses opérateurs mais aussi les entreprises, les fondations et les associations.
Sans oublier les habitants, car on ne fera pas la ville de demain sans les habitants d’aujourd’hui.
Cette participation citoyenne, cette co-construction, doivent être réinventées, sous une forme plus souple.
Nous avons beaucoup appris collectivement ces dernières années, dans la conduite des projets urbains, par la concertation, par les discussions au sein des conseils citoyens, mais nous devons continuer à réinventer des nouvelles formes de participation. Je ferai des propositions.
*
A nouveau, je vous remercie pour votre mobilisation sans failles afin que les habitants de nos quartiers vivent mieux demain qu’aujourd’hui.
J’ai une conviction profonde. La politique de la ville, le renouvellement urbain, c’est tout un tas de choses qu’il nous faut faire fortement et en même temps. Agir sur le bâti, l’école, la santé, la sécurité ; soutenir les associations, promouvoir la culture ; lutter contre les discriminations, défendre l’égalité entre les femmes et les hommes…
Mais il y a une chose au-dessus de toutes les autres : c’est la reconnaissance.
Ce que les habitants de nos quartiers populaires attendent, c’est la reconnaissance. Que la République reconnaisse tous ses enfants comme des citoyens à part entière, et pas entièrement à part.
Lorsque nous améliorons la ville, lorsque nous rebâtissons une école, fondamentalement, c’est ce message que nous adressons à tout un quartier : vous êtes des enfants de la République ; à ce titre, vous avez droit au beau, vous avez droit au juste, vous avez droit au durable.
C’est ce message que nous allons nous efforcer de faire vivre tous ensemble.
Je vous remercie.