Publié le 30 juillet 2024
Explore2 : impacts du changement climatique sur la ressource en eau à horizon 2100
Les conséquences du changement climatique sur le cycle de l’eau sont d’ores et déjà bien visibles, avec des contrastes majeurs selon les territoires. La ressource en eau renouvelable, indispensable aux différents usages anthropiques et au fonctionnement des milieux aquatiques, a diminué de 14 % en France au cours de ces quinze dernières années. Cette tendance devrait s’aggraver, particulièrement en période estivale, avec le changement climatique.
Dans la suite d’Explore 2070
Face à cette situation, il est nécessaire d’anticiper, de s’adapter et de planifier. Pour cela les acteurs et utilisateurs de l’eau ont besoin de pouvoir s’appuyer sur des données – des projections – qui caractérisent les impacts possibles du changement climatiques sur la ressource en eau (nappes et cours d’eau) dans les territoires.
Le projet Explore2, piloté par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et l’Office international de l’eau (OiEau), s’inscrit dans la suite de l’étude Explore 2070 (2010-2012) qui avait établi des premiers scénarios prospectifs des disponibilités de la ressource en eau à l’échelle de la France, à horizon 2070.
Officiellement lancé en juillet 2021, cofinancé par les partenaires du projet, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et l’Office français de la biodiversité (OFB), le projet Explore2 (2021-2024 : 2,2 M€) a pour objectif :
• d’actualiser les connaissances de l'impact du changement climatique sur l’hydrologie en se basant sur trois scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (RCP2.6 – émissions faibles compatibles avec les accords de Paris, RCP4.5 – émissions modérées et RCP8.5 – fortes émissions) du 5e rapport du GIEC ;
• d’accompagner les acteurs des territoires dans la compréhension et l’utilisation de ces résultats pour adapter leurs stratégies de gestion de la ressource en eau. Ces nouvelles projections hydroclimatiques seront utiles pour la révision des schémas directeurs d’aménagement de gestion des eaux (SDAGE), des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), des plans climat air énergie territoriaux (PCAET), ainsi que l’élaboration des programmes d’actions de prévention contre les inondations (PAPI).
Enseignements du projet Explore2 sous le scénario de fortes émissions en fin de siècle (2071-2100)
Température
- Le réchauffement moyen en France hexagonale se poursuivra : +4 °C (entre +3 °C et +5.5°C selon les modèles).
- Les températures plus élevées de l’ordre de +1,5 °C sont projetées dans le sud-est du pays par rapport au nord-ouest.
Précipitations
- Hausse de la pluviométrie en hiver. En fin de siècle, la hausse des précipitations moyennes hivernales en France se situe autour de +20 % (entre +10 % et +45 %). Elle est plus importante dans le nord et faible, voire incertaine, dans le sud. La variabilité d’une année à l’autre reste forte : des hivers secs ou très humides sont toujours possibles.
- Diminution des précipitations en été. Cette diminution est particulièrement prononcée dans le sud-ouest. À l’échelle de la France elles pourraient atteindre près de -25 % (entre -50 % et +5 %). La variabilité d’une année à l’autre des cumuls estivaux est importante : des étés très secs ou humides sont toujours possibles.
NB : les évolutions des cumuls annuels de précipitation en France hexagonale présentent d’importantes incertitudes. Les différentes projections s'accordent uniquement sur une hausse des cumuls dans le nord-est de la France et sur une baisse des cumuls dans le sud-est et près des Pyrénées.
Recharge potentielle des nappes – part de la pluie efficace qui s’infiltre sans garantir qu’elle soit stockée dans un aquifère
- La recharge potentielle annuelle augmente légèrement dans le nord et le nord-est de la France et semble globalement stable sur le reste du pays.
- La recharge potentielle hivernale augmente pour quasiment toute la France, hormis une frange sud et une partie de la Bretagne.
- La saisonnalité de la recharge potentielle ne présente pas de changement notable en France hexagonale à quelques exceptions près : le maximum de la recharge est avancé sur les massifs alpins et pyrénéens en réponse à l’évolution prévue du manteau neigeux ; la recharge est retardée sur le pourtour méditerranéen.
Débit moyen hivernal des cours d’eau – décembre à février
- Hausse des débits en hiver avec des contrastes régionaux : les hausses sont majoritaires (autour de +10 %) mais les cours d’eau de plaine dans le sud-ouest voient leurs débits hivernaux chuter d’environ -10 %.
- Les augmentations sont particulièrement sensibles en montagne (Pyrénées et Alpes) du fait notamment de la transformation des précipitations neigeuses en pluie.
Débit moyen estival des cours d’eau – juin à août
- Baisse des débits marquée en été en France hexagonale, autours de -30 % mais pouvant varier entre -50 % et -15 %.
- Les baisses les plus sensibles concernent le sud-ouest (-50 %), les Alpes (-50 %) et le secteur méditerranéen (-40 %).
Niveau des nappes
Augmentation des niveaux de nappe sur le Bassin parisien, la Basse-Normandie, la région Hauts-de-France et le nord du bassin de la Loire.
- Diminution des niveaux de nappe en Bretagne, en Poitou-Charentes, dans le département du Tarn-et-Garonne et en Alsace.
NB : l’analyse ne concerne que certaines parties de la France hexagonale, celles qui disposent de modèles.
Sécheresses
- 20 % de la surface de la France hexagonale (contre 10 % aujourd’hui) sera touchée par une sécheresse météorologique décennale (ayant une chance sur 10 de se produire dans l’année). Dans le tiers sud, leur fréquence augmentera. Elles auront lieu 3 à 5 fois plus souvent.
- Le pourcentage de la surface de la France hexagonale touchée par une sécheresse du sol décennale, triple. leur fréquence augmente de 4 à 5 fois, voire 6 sur le sud.
- Les sécheresses hydrologiques seront plus sévères. Le niveau de confiance est moindre pour le nord de la France.
- Pour les sécheresses hydrogéologiques, leur fréquence a majoritairement tendance à :
◦ diminuer sur la moitié nord du Bassin parisien,
◦ rester globalement inchangée sur la Beauce et la Normandie,
◦ augmenter en région Poitou-Charentes et surtout dans le département du Tarn-et-Garonne,
◦ augmenter en Bretagne. - La proportion moyenne de cours d’eau en assec augmente en France entre juillet et octobre. Elle atteint
25 %, contre 15 % actuellement.
Crues
L’évolution possible des débits de crue est incertaine. Cependant, il faut noter que selon les travaux synthétisés dans les rapports successifs du GIEC, les scientifiques s’attendent à une intensification des extrêmes pluviométriques et à une augmentation de l'intensité des crues dans beaucoup de régions du monde.
Accès aux données et diffusions des résultats
L’ensemble des données produites dans le cadre d'Explore2 ainsi que des documents d’accompagnement sont mis à disposition sur un portail de services hydroclimatiques dédié à l’eau :
DRIAS-eau, « Des futurs de l'eau » pour les données hydrologiques
DRIAS-climat, « Des futurs du climat » pour les données climatiques
Les rapports techniques et jeux de données utiles à l’élaboration des projections sont disponibles au téléchargement à l’adresse suivante :
https://entrepot.recherche.data.gouv.fr/dataverse/explore2
Un MOOC Explore2 a été conçu avec pour objectif d’accompagner les utilisateurs potentiels d’Explore2 afin qu’ils s’approprient les résultats pour une planification éclairée des ressources en eau de leur territoire :
https://e-learning.oieau.fr/enrol/index.php?id=3799
Perspectives
Les projections hydrologiques seront examinées par niveau de réchauffement pour répondre aux enjeux de la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC).
L’ensemble des projections élaborées dans le cade d’Explore2 couvre la France hexagonale et la Corse. La réflexion est en cours pour un exercice de ce type dans les territoires ultramarins.
Les modèles appliqués dans le cadre du projet Explore2 le sont dans leur forme la plus aboutie mais sont perfectibles. Des verrous scientifiques restent à lever pour réduire l’incertitude sur le climat et l’hydrologie :
- intégration des phénomènes de convection dans les projections climatiques,
- intégration de l’effet de la hausse de la concentration en CO2 et ses répercussions sur l’évaluation de l’évapotranspiration réelle,
- amélioration de la prise en compte des échanges nappe-rivière actifs,
- amélioration de la représentation de la dynamique du manteau neigeux et des glaciers…
À terme, d’autres impacts pourraient faire l’objet d’étude d’impact. Les projections hydrologiques pourraient ainsi prendre en compte les actions anthropiques par application de modèles aptes à représenter le cycle de l’eau altéré sous différents scénarios de gestion et d’usage de l’eau. Les recherches se poursuivent autour de la qualité de l’eau, la thermie en rivière et les impacts sur les milieux, pour leur intégration dans des modèles numériques et un déploiement à l’échelle nationale sous scénario d’émissions de gaz à effet de serre.