Publié le 29 mars 2017

Mis à jour le 31 août 2022

Espèces exotiques envahissantes

  • Biodiversité et paysages

La diffusion d’espèces exotiques envahissantes est l’une des causes majeures d’appauvrissement de la biodiversité. Les milieux insulaires sont particulièrement concernés. En lien avec ses engagements internationaux et européens, la France a mis en place un dispositif de lutte contre les espèces exotiques envahissantes et leurs conséquences.

Contexte

Qu’est-ce qu’une espèce exotique envahissante ?

Une espèce exotique envahissante (EEE) est une espèce introduite par l’homme volontairement ou involontairement sur un territoire hors de son aire de répartition naturelle, et qui menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales.  

Toutes les espèces introduites ne sont pas envahissantes, schématiquement 1 espèce sur 1000 le devient. Quatre étapes décrivent le processus invasif :

  1. L’introduction : une espèce arrive sur un territoire dont elle n’est pas originaire
  2. L’acclimatation : l’espèce survit sur son nouveau territoire
  3. La naturalisation : l’espèce se reproduit sur son nouveau territoire
  4. L’expansion : l’espèce colonise ce territoire et s’étend, au détriment d’espèces locales qu’elle va supplanter voire totalement éradiquer.

Ces étapes peuvent se dérouler sur un temps assez long, l’espèce restant « discrète » pendant une période donnée, puis connaître une phase rapide d’expansion à la faveur de modifications diverses (climat, ressources, etc.).

Quels sont les risques ?

Ces espèces représentent une menace pour les espèces locales, car elles accaparent une part trop importante des ressources (espace, lumière, ressources alimentaires, habitat…) dont les autres espèces ont besoin pour survivre. Elles peuvent aussi être prédatrices directes des espèces locales. Les espèces exotiques envahissantes sont aujourd’hui considérées comme l’une des principales menaces pour la biodiversité. Elles constituent un danger pour environ un tiers des espèces terrestres et ont contribué à près de la moitié des extinctions connues à l’échelle mondiale.

Les espèces exotiques envahissantes peuvent aussi représenter un risque direct pour l’homme. Elles peuvent être vectrices de pathogènes (comme le moustique tigre), allergisantes (comme l’ambroisie) ou avoir un comportement agressif. D’autre part, ces espèces peuvent avoir un impact négatif sur les activités économiques et de loisirs, notamment les cultures et les élevages, les activités forestières, touristiques, la navigation fluviale, la pêche, etc.

Des voies d’introduction multiples et en augmentation

Les espèces ont de tout temps voyagé, que ce soit par la dissémination et les déplacements naturels ou par l’introduction humaine. L’accélération des échanges à l’échelle de la planète (marchandises, tourisme, flux migratoires) a renforcé l’introduction de nouvelles espèces. Celle-ci peut être volontaire, à des fins d’ornementation, d’élevage, d’aquaculture, pour en faire des animaux de compagnie, etc. ou accidentelle, en passager clandestin des transports (trains, avions, bateaux, transport de matériaux, etc.)

Le changement climatique favorise également les espèces exotiques envahissantes, qui peuvent trouver de nouveaux territoires propices à leur installation.

En Europe, le nombre d’espèces exotiques envahissantes a ainsi augmenté d’au moins 76 % ces 35 dernières années. 

Situation en France

En métropole

Du fait de sa diversité de climats et de milieux et de sa position de carrefour entre l’est et le sud de l’Europe, la France métropolitaine est particulièrement vulnérable aux invasions d’espèces exotiques envahissantes. C’est l’un des pays les plus touchés d’Europe.

Quelques exemples d’espèces exotiques envahissantes en métropole :

  • le ragondin (Myocastor coypus) et le vison d’Amérique (Neovison vison), introduits volontairement pour l’exploitation de leur fourrure ;
  • le frelon asiatique (Vespa velutina) ;
  • la jussie rampante (Ludwigia peploides).

Aucune disparition d’espèce n’a été attribuée à des espèces exotiques envahissantes en Europe à ce jour, mais la menace est importante sur la diversité biologique locale, ainsi que sur la diversité génétique en raison des possibilités d’hybridations entre espèces locales et espèces exotiques proches.

Une menace particulièrement forte sur les territoires insulaires

La menace des espèces exotiques envahissantes est particulièrement forte sur les territoires insulaires, notamment en outre-mer, car l’isolement géographique rend les espèces locales, souvent endémiques, très vulnérables à des perturbations extérieures. Les espèces exotiques envahissantes figurent ainsi parmi les principales causes de l’érosion de la biodiversité ultramarine.

Quelques exemples d’espèces exotiques envahissantes en outre-mer :

  • la liane papillon (Hiptage benghalensis) à La Réunion ;
  • la tourterelle turque (Streptopelia decaocto) en Guadeloupe ;
  • le rat noir (Rattus rattus) dans différentes îles ;
  • l’iguane commun (Iguana iguana) en Martinique et en Guadeloupe.

L’action contre les espèces exotiques envahissantes en France

Une fois largement installées, les espèces exotiques envahissantes sont très difficiles à éradiquer et même à gérer, nécessitant des moyens humains importants, sur de longues durées. La prévention de leur introduction sur le territoire national ou de leur propagation est donc absolument déterminante. 

C’est pourquoi la gestion des EEE repose prioritairement sur les modalités suivantes :

  • Pour les espèces les plus préoccupantes (art. L.411-6 du Code de l’environnement), l’interdiction de l’entrée sur le territoire, du transport, du commerce, de la détention, etc.
  • Pour d’autres espèces à risque, l’interdiction d’introduction dans le milieu naturel (art. L.411-5 du Code de l’environnement). 
  • Des actions de sensibilisation et de prévention concernant l’introduction et la propagation involontaires des EEE.
  • Des opérations de gestion, menées par les collectivités locales, les gestionnaires d’infrastructures ou d’autres propriétaires fonciers, le plus rapidement possible après l’identification de l’arrivée d’une espèce envahissante, afin de l’éradiquer ou de limiter son extension.

La stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes

Adoptée en 2017, la stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes comprend 5 axes et 38 actions :

  • Axe 1 : Prévention de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes
  • Axe 2 : Interventions de gestion des espèces et restauration des écosystèmes
  • Axe 3 : Amélioration et mutualisation des connaissances
  • Axe 4 : Communication, sensibilisation, mobilisation et formation
  • Axe 5 : Gouvernance

Un plan d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques reconnues comme envahissantes

Élaboré par le ministère de la Transition écologique et l’Office français de la biodiversité (OFB), le plan d’action prolonge et approfondit la stratégie nationale, pour la période 2022-2030, notamment sur les aspects de prévention. Il couvre l’ensemble du territoire national, métropolitain et ultra-marin. 

Il vise à prévenir l’arrivée et la diffusion des espèces exotiques envahissantes en mettant l’accent sur la sensibilisation et la mobilisation de tous les acteurs susceptibles de contribuer à propager les EEE (touristes, usagers de la nature, filières de production et de vente, établissements détenteurs, entreprises du BTP, transporteurs, etc.) et prévoit un renforcement des contrôles sur les voies d’introduction possibles. 

Il comprend 19 actions, certaines étant générales sur l’ensemble des milieux et des espèces, d’autres spécifiques aux espèces animales ou végétales ou aux voies de communication, etc. Parmi ces actions, on peut citer :

  • le renforcement de la coopération interministérielle et les synergies entre réglementations, autour d’une approche « Une seule santé », du fait de leurs impacts sur l’ensemble des santés (de l’environnement, des espèces utiles pour l’homme, et la santé humaine) ;
  • le renforcement des contrôles auprès des établissements détenteurs d’espèces exotiques envahissantes ;
  • la diffusion d’informations sur le sujet auprès d’un vaste panel d’acteurs et du grand public.

Du fait de l’intégration du marché européen, l’Union européenne est l’échelle la plus pertinente pour prévenir l’entrée de nouvelles espèces envahissantes. C’est pourquoi le plan d’action s’articule avec la politique européenne de lutte contre les EEE et notamment avec le Règlement (UE) n° 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur la prévention et la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes. 

Les espèces exotiques envahissantes dans la réglementation française

Le code de l’environnement

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a introduit dans le Code de l’environnement une section relative au contrôle et à la gestion de l'introduction et de la propagation de certaines espèces animales et végétales. 

  • L'article L 411-5 interdit l'introduction dans le milieu naturel d'espèces animales et végétales dont la liste est fixée par arrêté. 
  • L'article L 411-6 interdit l'introduction sur le territoire national, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la mise en vente, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant de ces espèces. Il existe cependant des dérogations pour certaines structures et motifs d’intérêt général. 
  • Des arrêtés viennent préciser les listes d’espèces réglementées, sur le territoire métropolitain d’une part, dans chaque territoire ultramarin d’autre part.
  • L’article  R. 427-6 prévoit le classement de certains animaux comme nuisibles dont les conditions de chasse sont spécifiques, notamment au regard de leurs impacts sur la faune et la flore. À ce titre, l’arrêté du 2 septembre 2016 relatif au contrôle par la chasse des populations de certaines espèces non indigènes, permet la destruction d’espèces exotiques envahissantes telles que le ragondin Myocastor coypus, le rat musqué Ondatra zibethicus, la bernache du Canada Branta canadensis, etc.
  • La réglementation sur la pêche en eau douce (L.432-10) limite également l’introduction d’espèces exogènes dans les cours et plans d’eau.

Le code rural et de la pêche maritime 

Il prévoit lui aussi des mesures de protection contre des organismes nuisibles. Ses articles L 251-4, L 251-6, L 251-12, L 251-18, L 251-20 réglementent les importations sur le territoire national de certaines espèces nuisibles aux plantes cultivées (ravageurs, parasites ou « mauvaises herbes ») en utilisant des systèmes de contrôle sanitaire, de mise en quarantaine et de surveillance biologique du territoire en lien avec les végétaux.

Le code de la santé publique

À travers les articles L 1338-1 et suivants, il réglemente l’introduction, le transport, l’utilisation, la mise en vente, etc. d’espèces animales et végétales dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine. Ces articles visent entre autres des espèces exotiques envahissantes qui peuvent occasionner des problèmes sanitaires (par exemple l’ambroisie Ambrosia artemisiifolia).

Pour les espèces animales

L’arrêté du 8 octobre 2018 détermine les modalités de détention des animaux sauvages en captivité et fixe des restrictions de détention de certaines espèces animales, dont certaines pourraient se révéler envahissantes en cas de libération dans le milieu. 

Sera en outre publiée prochainement, dans le cadre de la loi du 30 novembre 2021 sur la maltraitance animale, une liste d’espèces autorisées à la détention en tant qu’animaux de compagnie, dont les EEE réglementées et soumises à des restrictions fortes en terme de détention seront bien évidemment exclues.

Engagements internationaux

Les grandes conventions internationales relatives à la biodiversité, auxquelles la France est partie, prennent en compte la problématique des espèces exotiques envahissantes :

  • la convention sur la diversité biologique prévoit que chaque partie contractante « empêche d’introduire, contrôle ou éradique les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces ». Le nouveau cadre stratégique post 2020 en cours de négociation prévoit ainsi un objectif de réduction des introductions d’espèces exotiques envahissantes ;
  • la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, ou convention de Berne, formule de nombreuses recommandations relatives aux espèces exotiques envahissantes. Elle met également en place une stratégie européenne relative aux espèces exotiques envahissantes ;
  • la convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, ou convention de Bonn, oblige ses parties à strictement contrôler l’introduction d’espèces exotiques ou à  gérer et éliminer celles qui ont déjà été introduites ;
  • la convention sur les zones humides, ou convention de Ramsar, demande aux parties de prendre des mesures pour identifier, éradiquer et contrôler les espèces exotiques envahissantes se trouvant sur leur territoire.

Réglementation européenne

Plusieurs outils réglementaires existent au niveau européen.

Le règlement européen relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes 

Adopté le 22 octobre 2014, le règlement n°1143/2014 a pour objectifs de prévenir, de réduire et d’atténuer les effets néfastes sur la biodiversité de l’introduction et de la propagation d’espèces exotiques envahissantes au sein de l’Union européenne. Il établit, sur la base d’une évaluation des risques, une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes. Chaque État membre peut établir, selon la même méthode, une liste des espèces jugées préoccupantes sur son territoire. Des listes peuvent également être établies entre États membres. Les espèces préoccupantes pour l’Union sont interdites d’importation, de transport, de commercialisation, d’utilisation, de culture, d’introduction dans l’environnement. 

La Commission européenne a adopté le 13 juillet 2016 une première liste des espèces préoccupantes pour l’Union européenne (règlement d’exécution 2016/1141). Deux nouvelles listes ont complété cette dernière, en 2017 (règlement d’exécution 2017/1263) et 2019 (règlement d’exécution 2019/1262), portant le nombre d’espèces réglementées à 66 (36 végétales, 30 animales). La prochaine mise à jour est prévue pour la fin du 1er semestre 2022 (30 nouvelles espèces, portant le total à 96 espèces, 54 animales et 42 végétales).

La directive-cadre sur l’eau

Cette directive (n°2000/60/CE) identifie la présence d’espèces exotiques envahissantes comme étant un critère biologique à prendre en compte lors de la réalisation d’un état des lieux et la mise en place d’un programme de surveillance et de mesures correctives.

La directive-cadre stratégie pour le milieu marin

Cette directive (n°2008/56/CE) reconnaît que l'introduction d'espèces exotiques met en péril la biodiversité européenne et demande aux États membres d'inclure ces espèces dans la description du « bon état écologique ».

Le règlement relatif à l’utilisation en aquaculture des espèces exotiques et des espèces localement absentes 

Ce règlement (n°708/2007) vise à ce que les États membres veillent à prendre toutes les mesures appropriées afin d'éviter tout effet néfaste sur la biodiversité résultant de l'introduction ou du transfert à des fins aquacoles d'organismes aquatiques ou d'espèces ainsi que la propagation de ces espèces dans la nature.