Discours d'Élisabeth Borne lors de la rencontre des Entrepreneurs de France Hippodrome de Longchamp

Le Vendredi 30 août 2019

Élisabeth Borne a prononcé un discours lors de la rencontre des Entrepreneurs de France Hippodrome de Longchamp le jeudi 29 août 2019.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Merci à toutes et tous pour l’échange que nous venons d’écouter. Vous avez décidé de placer cet après-midi sous le signe des prises de conscience.

Une prise de conscience, c’est toujours une forme d’audace, car c’est accepter de confronter ses certitudes à un monde qui change. C’est aussi toujours un signe d’ouverture à la pensée des autres. Et je vous suis reconnaissante d’avoir imaginé vos rencontres dans cet esprit.

Je crois que c’est précisément ce dont le débat sur l’écologie a besoin.

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Pour nourrir ce débat, je suis venue partager avec vous plusieurs convictions. Ces convictions que je porte en tant que ministre, je les ai acquises à travers mon engagement dans le service public, comme préfète au contact d’un territoire rural, comme dirigeante de grandes entreprises publiques et privées.

La première de ces convictions, c’est que l’on a trop longtemps présenté l’écologie comme l’ennemie de l’économie ; les politiques environnementales comme une somme de règles, de contraintes, de procédures, de coûts qui pèsent sur la compétitivité des entreprises, qui entravent leur action et condamnent leurs projets.

Reconnaissons-le : au nom de la compétitivité, certaines pratiques ont été tolérées, certains projets encouragés en dépit de leur coût environnemental. Le marché a longtemps ignoré le prix des atteintes à l’environnement.

Ce biais n’est évidemment pas le propre des entreprises. Il concerne aussi les citoyens, en tant que consommateurs. Il a concerné les pouvoirs publics, dont les choix en matière d’aménagement du territoire ou de politique économique ou industrielle n’ont pas suffisamment intégré l’enjeu écologique.

Nous avons donc tous une part de responsabilité mais, et c’est surtout ce que je suis venue vous dire, nous détenons tous une part de la solution.

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Opposer la transition écologique et l’efficacité économique, ce serait aujourd’hui une approche stérile et même contre-productive.

Stérile, car le changement climatique est là. Ses effets se font déjà sentir. Personne ne peut plus contester l’urgence d’y apporter des réponses. Baisser les émissions de gaz à effet de serre et enrayer le déclin des espèces exige une mobilisation générale. Mobilisation des pouvoirs publics, bien sûr. Le Président de la République et le Premier ministre ont clairement fait de la transition écologique la priorité de l’acte II du quinquennat. Les mois à venir seront donc ceux de l’accélération et de la concrétisation. Mobilisation des ONG, qui ont été précurseurs en ce domaine et ont acquis une expertise précieuse. Mobilisation des partenaires sociaux, qui se sont saisis de ce défi. Mobilisation des territoires, qui inventent des solutions adaptées à leurs spécificités, et que nous accompagnons notamment au travers des contrats de transition écologique sur lesquels Emmanuelle Wargon est particulièrement mobilisée. Et bien sûr, et c’est le sens de ma présence ici, mobilisation des entreprises.

Cette mobilisation est indispensable car le dérèglement climatique, sa rapidité et son ampleur, font peser des risques sur toute la société. Les activités économiques ne sont pas épargnées. Ce dérèglement a des effets : sur les ressources, sur la production, sur le fonctionnement des entreprises, sur l’organisation du travail au quotidien.

Aucun secteur d’activité, aucune entreprise, ne peut donc fermer les yeux sur la transition écologique. Opposer ambition écologique et efficacité économique, serait non seulement stérile, mais contre-productif.

La transition écologique est source de bouleversements, mais elle est une chance pour les entreprises. Elle est porteuse de nouveaux marchés, de nouvelles opportunités. Les mentalités évoluent, et avec elles les comportements. Des progrès technologiques s’accomplissent chaque jour sous l’effet des mutations en cours. Demain, la mobilité sera durable, les énergies propres et leur gestion optimisée grâce à des réseaux intelligents ; la construction sera bio-sourcée.

De plus en plus de citoyens vous mettent la pression. Ils vous demandent des circuits courts, des produits éco-conçus, réparables, recyclables. Ils exigent de la transparence, des pratiques exemplaires, de l’équité dans les relations commerciales.

Tout cela vous le savez, car, l’esprit d’entreprendre, c’est avoir un coup d’avance, et c’est savoir anticiper. L’histoire économique est jalonnée d’entrepreneurs visionnaires, de disruptions inattendues. Vous l’avez toutes et tous prouvés dans vos parcours, en créant des entreprises qui réussissent ou en dirigeant les fleurons français.

Cette capacité vous donne aussi une responsabilité particulière : celle d’entraîner la société vers une économie décarbonée, vers la croissance verte, et vers une prospérité soutenable.

Le temps n’est plus au greenwashing, mais à rendre des comptes à des consommateurs et des investisseurs de mieux en mieux informés, réellement soucieux de la durabilité des biens et des services que vous leur apportez. C’est une condition de la confiance qu’ils pourront vous accorder. Je vous sais mobilisés.

Le Gouvernement porte un projet de loi pour une économie circulaire. Vous avez fait des propositions constructives en la matière, et nous y sommes, Brune Poirson et moi, naturellement attentives. Vous êtes nombreux à avoir saisis les opportunités de cette nouvelle économie. J’étais ce matin avec le Premier ministre à Roubaix, territoire pionnier dans l’économie circulaire. J’ai vu une collectivité pleinement engagée, des familles séduites et convaincues par une démarche qui redonne du sens à leur quotidien, et du pouvoir d’achat. Mais j’ai vu aussi des entrepreneurs audacieux qui ont saisi la dynamique de ce territoire en proposant des projets créateurs d’emplois et de richesses.

Votre mobilisation s’illustre également dans l’engagement que certains d’entre vous ont pris d’investir avant 2020, 60 milliards d’euros dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les technologies bas carbone. Cet objectif a été atteint et dépassé 2 ans plus tôt que prévu. Je souhaite le même succès à la nouvelle phase du French Business Climate Pledge dans laquelle vous avez voulu vous engager à l’occasion de ces rencontres.

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La transition écologique est une chance, mais il faut aussi être lucide sur certains de ses impacts immédiats. Certains secteurs, certains bassins d’emplois connaitront, connaissent déjà, une diminution voire un arrêt de certaines activités. La solution ne consiste pas à mettre le pied sur le frein mais à anticiper aujourd’hui pour ne pas subir demain des bouleversements inéluctables.

Sur le plan industriel, nous avons, reconnaissons-le, manqué certains rendez-vous pour positionner la France en avance sur des filières d’avenir. Je pense au photovoltaïque, aux batteries ou encore aux éoliennes. C’est donc notre responsabilité commune de nous engager dans les industries d’avenir et de préparer les filières de demain. C’est le sens du Pacte productif 2025 lancé par le Président de la République en avril.

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Le premier devoir de la puissance publique, c’est bien d’accompagner les entreprises, les territoires et les salariés dans cette transition. Et l’Etat y prend toute sa part. C’est ce que nous faisons en travaillant à vos côtés à la transformation des filières qui font la force de notre économie. Je pense aux contrats portés par les 18 comités stratégiques de filières.

C’est ce que nous faisons également en mettant à disposition des outils adaptés pour transformer vos process.

Le fond chaleur, qui a permis de financer de nombreux projets depuis 10 ans dans l’industrie : des chaufferies biomasse, du solaire thermique, de la géothermie. C’est un levier majeur de la décarbonation de l’économie. Il est en nette augmentation : 260M€ en 2018, 300 cette année et 350 l’année prochaine. Alors saisissez-vous-en !

Je pense aussi aux certificats d’économie d’énergie dont nous prolongerons d’un an la quatrième période. Nous avons d’ailleurs identifié de nouveaux gisements, notamment celui des installations sous quotas carbone,  et de nouvelles modalités, comme le cumul des CEE avec le fonds chaleur.

Ces deux leviers sont opérationnels, ce sont des financements supplémentaires pour amplifier vos économies d’énergie et réduire votre empreinte environnementale.

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Accompagner les entreprises dans la transition, c’est aussi une question de méthode. L’Etat en a parfois manqué dans ce domaine. La méthode que je vous propose tient en 3 points.

1.    Je crois au dialogue. Une bonne décision est une décision concertée et dont les impacts ont été bien anticipés. Je souhaite, plus systématiquement et plus en amont, échanger avec vous, comme avec l’ensemble des parties prenantes, sur les projets de réforme que je porte en faveur de la transition écologique.

2.    Je crois à la responsabilité. Quand nous définissons un objectif, quand nous posons une norme, nous devons d’abord poursuivre un impératif de résultat et ne sous-estimer, ni l’audace, ni l’ingéniosité des acteurs pour trouver les meilleurs moyens d’y parvenir.
C’est dans cet esprit que nous concevons la future réglementation environnementale du bâtiment.

3.    Enfin, je crois à la stabilité. Nos objectifs doivent être ambitieux mais ils doivent être constants pour vous permettre, d’anticiper, d’investir, en somme d’entreprendre pour les atteindre.
C’est ce que nous avons fait en annonçant, dès le début du quinquennat, la fin des ventes de véhicules fonctionnant aux énergies fossiles d’ici 2040.

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Cette méthode posée, je suis convaincue que nous pourrons réussir l’adaptation de notre économie. Nous pourrons réussir à une dernière condition. Essentielle. Celle d’accompagner les femmes et les hommes qui font la réussite de nos entreprises dans ces mutations.

La transition écologique bouscule la structure de l’emploi et des compétences. Elle est un gisement de nouveaux métiers, elle est aussi l’occasion de repenser l’environnement au travail. Cet enjeu vous concerne, mais le Gouvernement est, là encore, fortement engagé.

C’est le  Plan  d’investissement  dans  les  compétences,  doté de plus de 13 Mds d’euros de crédits de l’Etat, avec pour ambition de former : un million de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés, et un million de jeunes éloignés du marché du travail. C’est un outil concret pour répondre aux besoins des métiers en tension dans une économie en croissance.

Ce sont les fonds mobilisés dans le cadre du Programme investissements d'avenir en faveur de l’accompagnement des salariés face aux nouveaux besoins en compétences issus des grandes transformations que connait notre économie.

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A travers la loi PACTE, le législateur vous a invité à prendre en compte les enjeux environnementaux de votre activité et à repenser la raison d’être de vos sociétés. Pour en revenir au thème de nos débats, c’est bien à une forme de prise de conscience.

Cette transition écologique n’est pas nouvelle, elle est largement engagée, même si nous n’en sommes pas tous, comme citoyens, comme dirigeants, comme entreprises, au même niveau.

Mais l’heure n’est plus à douter ou à détourner le regard, cette transition nous y sommes.

Une transition dont dépend le sort de notre planète et qui nous met au défi de construire un monde et une société plus durable et plus juste.

Dans cette entreprise sans précédent dans notre histoire, notre responsabilité collective est engagée, et nous avons besoins de tous, et en particulier de vous, entrepreneurs. C’est l’appel que je vous lance !

Je vous remercie.

 

 

 

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