Conférence de presse Revue AIE 2021 - Réponse de Barbara Pompili à Fatih Birol

Le Mardi 30 novembre 2021

Seul le prononcé fait foi

Merci beaucoup, cher Fatih BIROL, d’avoir partagé avec nous l’analyse de l’AIE sur la politique énergétique de la France.

Comme vous le soulignez, c’est dès aujourd’hui que nous devons préparer l’avenir et prendre les décisions qui nous permettrons d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. 
 
C’est d’autant plus nécessaire que la politique énergétique évolue dans le temps long.
 
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Je voudrais commencer par rappeler qu’aujourd’hui, les orientations stratégiques de la politique énergétique de la France sont claires – même si elles recèlent de nombreux défis. 
Le cap, c’est la sortie des énergies fossiles. Cela passera par une électrification de certains usages, tels que ceux de la mobilité, du chauffage ou encore de l’industrie.
Notre politique énergétique reposera sur un triptyque associant tout d’abord une grande modération de nos besoins énergétiques grâce à des efforts continus d’efficacité et de sobriété énergétiques pour viser -40% de consommation globale d’énergie en 2050. Et je suis heureuse que vous soulignez cette nécessité de parler plus de l’efficacité énergétique puisque, je suis d’accord avec vous, c’est une forme d’impensé dans le discours politique général que ce soit en France mais aussi ailleurs, dans d’autre pays. Mais en France, particulièrement, on aime beaucoup ces grands débats sur le nucléaire et les énergies renouvelables, pour ou contre, plus ou moins, en oubliant ce premier élément qui est essentiel, qui est l’efficacité énergétique et donc vous pouvez compter sur moi pour avancer sur ces sujets.
Ensuite, le développement massif des énergies renouvelables, de plus en plus compétitives, indispensables à la neutralité carbone et à notre sécurité d’approvisionnement, et d’autant plus dans un contexte de renouvellement progressif de notre parc de production d’électricité, majoritairement nucléaire aujourd’hui et essentiellement construit dans les années 80 et 90.
Enfin, le nucléaire qui restera une composante importante de notre mix électrique, en complément des énergies renouvelables, dans la ligne des projections de l’AIE dans son rapport NetZero by 2050.
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Pour avancer dans cette voie, comme vous le rappelez dans votre revue, la France a pris de nombreuses mesures ces cinq dernières années. 

Nous avons ainsi acté la fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures d’ici 2040.
Nous avons également inscrit la neutralité carbone dans la loi énergie-climat en 2019 et, pour mesurer l’efficacité de nos efforts pour atteindre cet objectif, nous avons créé le Haut Conseil pour le climat.
En 2019, nous avons fixé une échéance à la fin de la vente de voitures particulières et des utilitaires légers utilisant des énergies fossiles, dans la loi d’orientations des mobilités.
En 2020, nous nous sommes donnés une boussole avec l’adoption de notre deuxième programmation pluriannuelle de l’énergie et de notre Stratégie nationale bas carbone jusqu’à 2028. Cette programmation prévoit notamment un soutien public important, de plus de 6 milliards d’euros par an, pour le développement des énergies renouvelables.
Enfin, avec la loi Climat et Résilience adoptée cet été, nous avons renforcé les obligations d’installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments industriels, commerciaux et de bureaux, et nous avons  instauré entre autres l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, ainsi que la mise en place de feuilles de route pour diminuer les émissions des filières les plus émettrices. 
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Toutefois, vous avez identifié, à juste titre, un retard dans la mise en œuvre de certaines mesures nécessaires à notre transition énergétique, et vous nous alertez sur le fait que cette tendance pourrait être exacerbée par le rehaussement des objectifs européens à horizon 2030. 

En conséquence, vous avez identifié cinq chantiers clés, sur lesquels vous nous invitez à travailler pour atteindre nos objectifs énergétiques et climatiques.

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1) La première priorité que vous identifiez est la décarbonation de notre mix électrique.

Le mix électrique français est aujourd’hui déjà très décarboné, et c’est un atout.

Vous le savez, l’étude « Futurs énergétiques 2050 », présentée il y a un mois par RTE, présente plusieurs options d’évolution en profondeur de notre système électrique, qui permettent toutes d’atteindre la neutralité carbone en 2050. 
Cette étude est le fruit de près de deux ans de travaux, remarquables, inédits, que nous attendions pour prendre des décisions éclairées, solides et objectives sur l’évolution de long terme de notre mix électrique et pour sortir des débats un peu stériles qui jusqu’ici ne nous permettaient pas d’y voir clair.

Et un constat clair apparaît, dans tous les scénarios proposés : pour répondre à la hausse de la consommation d’électricité dans les 15 prochaines années, nous devons impérativement développer les énergies renouvelables. Et les développer massivement.

Aujourd’hui, nous avons déjà avancé dans cette voie : 27% de notre électricité est produite par des énergies renouvelables, contre 23% encore en 2018. Mais il sera nécessaire de doubler les capacités de production de nos énergies renouvelables d’ici 2030, et les accroître encore davantage d’ici 2050.

Alors, j’ai engagé plusieurs actions pour simplifier et accélérer les procédures, notamment en matière d’éolien en mer et de photovoltaïque, avec le même degré d’exigence environnementale et de concertation.

Le Gouvernement apporte également un soutien financier important au développement de ces énergies. La Commission européenne a d’ailleurs validé à la fin de cet été le régime français de soutien aux énergies renouvelables électriques, avec plus de 30 milliards d’euros prévus entre 2021 et 2026. 

Enfin, j’ai présenté au cours des dernières semaines plusieurs plans d’action spécifiques : pour le développement maitrisé et responsable de l’éolien, pour le développement du photovoltaïque et pour les projets d’énergies renouvelables citoyennes.

Le Président de la République a enfin annoncé son intention de relancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en complément des énergies renouvelables et pour garantir notre indépendance énergétique.

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2) La deuxième priorité que vous avez identifiée est l’efficacité énergétique. 

C’est un axe majeur de notre politique énergétique, aux côtés du développement des énergies renouvelables. C’est même, à vrai dire, pour moi, la première de nos priorités.

Des défis importants nous attendent en la matière, car d’ici 2050, nous devons diminuer de 40% notre consommation finale d’énergie.

Vous avez mentionné le dispositif MaPrimeRénov qui vise à massifier la rénovation énergétique. Depuis le 1er janvier 2021, plus de 650 000 demandes ont été déposées par des particuliers, qui s’ajoutent aux 192 000 demandes de 2020. 80% des montants engagés par l’Etat le sont au bénéfice de ménages aux revenus modestes et très modestes. C’est un vrai succès et une vraie réussite pour cette aide qui sera reconduite en 2022 pour un montant de 2 milliards d’euros. 

Le Gouvernement a également mis en place des exigences renforcées sur les bâtiments neufs en matière d’économie d’énergie, dans la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments, la RE2020, qui exclut progressivement les énergies fossiles pour le chauffage. 

Nous avons également mis en place un soutien à des projets d’efficacité énergétique dans l’industrie. 

Enfin, le Gouvernement œuvre pour la modernisation du parc automobile français, avec les bonus écologiques et les primes à la conversion (460 000 bonus écologiques et 870 000 primes ont été attribués depuis 2017). Mais évidemment nous devons aller encore plus loin sur la rénovation des bâtiments par exemple. Nous devons avoir encore plus de rénovations qui seront des rénovations complètes, les rénovations les plus efficaces. Pour cela,  dans la loi Climat & Résilience, nous avons installé un accompagnateur rénov’ qui va aider les ménages à pouvoir faire les meilleurs choix pour l’isolation de leur logement pour qu’ils aient les travaux les plus utiles possibles pour l’efficacité énergétique et pour aussi baisser leur facture. 

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3) Quant à l’enjeu de la mise en œuvre et du suivi des politiques climatiques et énergétiques, sur lequel vous nous alertez, la mobilisation de l’ensemble des ministères est en effet indispensable. 

J’ai bien conscience que la mise en œuvre de la transition énergétique ne peut pas être l’apanage d’un seul ministère. Cette transition doit mobiliser l’ensemble de notre action publique pour être efficace.

Nous avons déjà fait des progrès importants. A la suite du Conseil de défense écologique du 27 novembre 2020, plusieurs ministères – notamment le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, et bien sûr le ministère de la Transition écologique – ont publié leurs feuilles de routes « climat ». 

Et dans le cadre des travaux que nous avons commencé à mener pour actualiser notre stratégie française sur l’énergie et le climat, nous associons bien évidemment l’ensemble des ministères concernés. 

Enfin, les orientations qui seront prises, notamment dans la loi de programmation énergie-climat à venir en 2023, seront, comme vous l’appelez de vos vœux, arrêtées au nom de l’ensemble du Gouvernement.

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4) Sur l’innovation, elle est effectivement indispensable pour disposer de technologies plus performantes et faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre. 

C’est notamment l’objet du plan d’investissement France 2030, présenté par le Président de la République le 12 octobre dernier, et doté de 30 milliards d’euros sur 5 ans, dont la moitié sont dédiés à la transition écologique.
Ce plan vise à stimuler l’innovation technologique et à accompagner les transitions de nos secteurs d’excellence, qu’il s’agisse de l’énergie, de l’automobile, ou de l’aéronautique. 

8 milliards d’euros sont prévus pour le secteur de l’énergie, afin de construire une France décarbonée et résiliente, notamment en développant l'hydrogène vert et en décarbonant notre industrie. 

Nous prévoyons également 4 milliards d’euros pour les « transports du futur », avec pour objectif de produire 2 millions de véhicules électriques ou hydrides par an, ainsi que le premier avion bas carbone.

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5) Enfin, comme vous l’avez rappelé, les deux tiers de notre consommation d’énergie repose encore sur les énergies fossiles. 

D’ici 2050, la part des énergies fossiles dans notre consommation va progressivement diminuer, mais cela pose effectivement une question de sécurité d’approvisionnement. 

Il sera donc d’abord indispensable de continuer à poursuivre le développement du biogaz et des biocarburants, tout en respectant des critères de durabilité stricts, pour les substituer aux énergies fossiles dans leurs usages résiduels. 

Au-delà de l’offre énergétique, se pose également la question des infrastructures nécessaires, tant en matière de transport que de stockage, pour assurer la sécurité d’approvisionnement à horizon 2050. 
C’est un sujet qui sera examiné attentivement dans le cadre de nos travaux d’actualisation de la Stratégie française sur l’énergie et le climat.

Ensuite, l’hydrogène décarboné doit nous permettre de remplacer progressivement les énergies fossiles dans notre industrie, lorsque l’électrification n’est pas une réponse possible ou pertinente. 
C’est pour cela qu’il y a un an, nous avons engagé une stratégie ambitieuse et volontariste de développement d’une filière française de l’hydrogène décarboné, dotée de 7 milliards d’euros, que le plan France 2030 doit permettre d’accélérer avec près de 2 milliards d’euros supplémentaires. 

Notre stratégie privilégie donc, d’ici à 2030, la production locale et déconcentrée d’hydrogène et l’émergence d’une filière souveraine qui servira les besoins de décarbonation de nos industries, de la mobilité lourde et, à terme, pourra possiblement contribuer à répondre aux besoins de flexibilité de notre système électrique.

Enfin, je voudrais mentionner un dernier point : sortir des énergies fossiles implique une transition énergétique qui devra aussi être juste. 
Il sera nécessaire d’accompagner au mieux les citoyens, en particulier les plus fragiles, dans cette transition qui change aussi certaines habitudes, ainsi que les entreprises. C’est déjà ce que nous faisons, au travers des mesures que j’ai évoquées, et je suis convaincue que c’est une des clés de la réussite. Un moyen de transformer l’urgence en opportunité. 
Et les signaux nous montrent que nous faisons les bons choix. Je pense en particulier à la hausse actuelle des prix des énergies fossiles, qui entrainent toutes les énergies dans leur hausse. 

Le Gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire pour accompagner nos concitoyens dans cette période exceptionnelle, dont je crois pouvoir dire qu’elle s’apparente, par certains aspects, à celle du choc pétrolier de 1973.
Mais cette hausse nous montre une nouvelle fois l’intérêt de sortir de notre dépendance des énergies fossiles, émettrices de CO2 et aux prix particulièrement volatils. 
C’est pour cela que nous agissons pour retrouver notre souveraineté énergétique, grâce et au service de la constitution de filières industrielles compétitives.

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Comme vous le voyez, cher Fatih BIROL, vos recommandations sont bien identifiées et nous rejoignons de nombreux points de votre analyse. Nous avançons avec détermination, et nous continuerons à le faire dans les semaines, les mois et les années à venir. 

Pour atteindre nos objectifs énergétiques et climatiques, nous préparons activement nos décisions pour le mix post-2035, avec pour priorités l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, complété par le nucléaire.
Parce que nous avons devant nous un défi quasi historique avec un renouvellement quasi-intégral de notre système de production électrique, jusque dans la modernisation des réseaux.

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Cher Fatih BIROL, je vous remercie à nouveau, ainsi que toutes les équipes qui ont contribué à cette revue, pour cet immense et précieux travail. 

Les travaux qui s’engagent, sur notre Stratégie française pour l’énergie et le climat, seront pour nous l’occasion de tirer parti de ces enseignements et des recommandations que vous nous avez exposés.  

La prochaine revue de l’Agence internationale de l’énergie, dans 5 ans, sera, je l’espère, l’occasion de constater tous les progrès réalisés par la France pour atteindre ses objectifs !
Et je ne doute pas que nous pourrons y arriver.

Je vous remercie, et je reste, avec monsieur Fatih BIROL, à votre disposition pour répondre à vos questions.

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