Climate Finance Day

Le Lundi 11 décembre 2017

Seul le prononcé fait foi

"Madame la secrétaire exécutive, chère Patricia,
Monsieur le Ministre, cher Bruno,
Monsieur le Président de Paris Europlace, Cher Gérard Mestrallet,
Mesdames et Messieurs,

Je suis ravi de vous accueillir à Bercy, au cœur du Ministère de l’Économie, pour ce 3ème Climate Finance Day. 

Cette initiative, elle a puisé ses racines dans la préparation de la COP21, en 2015. Son objectif était simple : la France cherchait alors à construire un accord universel sur le climat. 

Un accord universel, c’est un accord à l’échelle de la planète, de ses habitants, de son économie. En réunissant les acteurs de la finances, ceux qui tiennent les cordons de la Bourse, notre objectif était clair : faire de la finance un levier pour atteindre notre objectif, celui de rester aussi loin que possible en dessous de 2°C, et de protéger les populations des conséquences du changement climatique. 

Pourquoi ? Parce le monde dessiné par l’accord de Paris, il est très différent du monde d’aujourd’hui. 

Il sera différent par de nombreux aspects. D’abord parce que nous allons vivre, même avec un réchauffement de 2°C, dans un monde qui sera marqué par les impacts du changement climatique. Ceux-ci sont couteux, tant sur le plan humain que sur le plan économique. Regardez simplement le coût d’Irma sur les îles des Caraïbes, ou le coût des inondations liées à Harvey aux États-Unis. A chaque catastrophe, aux bilans humains lourds s’ajoutent des pertes économiques majeures. Au point que chaque année, les effets du climat jettent 25 millions de personnes dans la pauvreté. 

Le monde de demain sera différent, car le changement climatique accentue les inégalités, jette sur les routes des millions de personnes, provoque de la pauvreté, aggrave les conflits. En ajoutant à la misère l’humiliation de ceux qui sont condamnés à rester des spectateurs d’un phénomène auquel ils n’ont pas contribués, le changement climatique, comme l’érosion de la biodiversité, font peser des risques systémiques majeurs sur notre économie, mais aussi sur la paix et la sécurité, partout sur la planète. 

La finance a cela de commun avec le changement climatique qu’elle ne connaît pas vraiment de frontières. Dans le monde d’aujourd’hui, cela signifie qu’elle est aussi exposée aux risques majeurs que fait courir le changement climatique sur l’économie mondiale. 

Mais cela, vous le savez déjà. Vous le savez d’autant plus que depuis la COP21, de nombreux acteurs de la finance se sont attaché à faire connaître le risque climatique aux investisseurs.

La France a montré la voie, en imposant aux gestionnaires d’actifs de rendre visible ces nouveaux risques, que certaines refusaient de voir, sans doute parce qu’ils étaient trop grand. 

Vous le savez, et face à ces enjeux, le monde de la finance commence à évoluer. 

Car l’Accord de Paris a clairement posé les bases du monde nouveau que nous devons cultiver ensemble. 

L’Accord de Paris, c’est un message d’une clarté évidente : les énergies fossiles appartiennent au passé, et pour rester en dessous des 2°C, il nous faudra progressivement, mais avec détermination, nous désintoxiquer des énergies fossiles. 

En envoyant ce message, à la COP21, la Communauté Internationale a pris ces responsabilités. C’est maintenant à tous ceux qui participent au financement de l’économie de prendre les leurs, et de construire le chemin vers la neutralité carbone. 

La neutralité carbone, c’est un monde sans émissions ou presque, c’est aussi investir dans la restauration des écosystèmes, qui contribueront à stocker du carbone. 

La France a choisi cette voie, à travers notamment la loi qui interdit la délivrance de nouveaux permis d’hydrocarbures, et permet d’envisager, d’ici 2040, la fin de la production d’hydrocarbures en France. Au même horizon, nos voitures seront sans émissions, soit électriques, soit thermiques.

Alors les entreprises, les investisseurs doivent s’adapter à cette nouvelle réalité, pour appeler ce qu’on appelle l’effet Kodak, c’est-à-dire la fin d’un modèle, et le développement d’un autre, qui signe la fin de certaines entreprises.

Kodak a disparu parce que la technologie digitale dont il dépendait a été remplacée par une autre, numérique. Il en va de même pour les énergies fossiles, notamment le charbon, qui sera remplacé rapidement par les énergies renouvelables. 

C’est le sens de l’alliance pour la sortie du charbon, que nous avons lancés, avec le Canada, le Royaume-Uni, et qui mobilise des États, des entreprises et des investisseurs qui ont tous en commun la volonté de se désengager rapidement du charbon. J’appelle ici tous nos partenaires, les entreprises, les investisseurs publics et privés à rejoindre cette alliance. 

Mais le chemin vers la neutralité carbone, ce n’est pas seulement désinvestir des énergies fossiles. C’est aussi investir dans la réparation des écosystèmes, pour renforcer leur capacité d’absorption du carbone. Et là, nous pouvons mettre toute l’inventivité de la finance au service d’un monde sans carbone et sans pauvreté. 

C’est le cas du Fonds LDN, piloté par Monique Barbut, secrétaire exécutive de la convention pour combattre la désertification, avec l’appui de Mirova, mais aussi des banques de développement comme l’AFD. 

Ce fonds hybride, il s’appuie sur les ressources publiques pour mobiliser les ressources privées, en garantissant une partie des risques. C’est un fonds à impact, qui ne regarde pas que le taux de rentabilité à court terme, mais aussi les bénéfices sociaux et environnementaux des investissements. En finançant des projets partout où la terre est dégradée, en restaurant les sols grâce à l’agro-écologie, cela permet d’offrir un avenir à certains de ceux qui sont tentés de se jeter sur les routes des migrations, par exemple depuis le Sahel. 

Ce type de partenariat entre les ressources public et les ressources privées, ils doivent se multiplier, parce qu’ils donnent un sens à l’investissement, mais aussi parce que sans ce sens, sans corriger les travers de la myopie du court terme qui affecte parfois certains investisseurs, il n’y a pas de finances durable. 

Investir, en latin, c’est entourer d’une protection, couvrir d’un vêtement. Le sens profond de ce terme, c’est donc bien de soutenir, de protéger, et aujourd’hui de nombreux acteurs montrent que c’est possible. 

Pour que cela soit possible, j’ai posé trois principes à mon action, à la transition écologique et solidaire : Prévisibilité, irréversibilité, et progressivité. 

Prévisibilité, car il faut dire d’avance les règles du jeu, les assumer, parce qu’elles sont porteuses d’un changement profond de notre modèle économique. 

Irréversibilité, parce qu’aucun retour en arrière n’est possible, au contraire de ceux qui pensent aujourd’hui puiser les réponses aux maux de notre siècles dans les technologies et les énergies du 20ème siècle. 

Progressivité enfin, parce que cette transition, aussi déterminée soit elle, elle ne doit pas ignorer le court terme, et les difficultés sociales auxquelles nous sommes confrontés. Transformer l’économie, c’est faire croitre certains paramètres, les énergies renouvelables, les technologies de l’efficacité énergétique, et assumer la décroissance d’autres, avec la nécessaire solidarité pour ne laisser personne de côté. 

C’est ce que nous faisons en donnant un prix du carbone, et la suppression progressive des subventions aux énergies fossiles. Le prix du carbone progresse partout sur la planète, en Amérique du nord, en Amérique du Sud, en Chine, montrant que les choix de l’administration américaine n’ont pas stoppé la lutte contre le changement climatique. 

Le prix du carbone, il permet de mettre de la cohérence dans l’économie mondiale, de fixer un horizon permettant d’atteindre notre objectif des 2°C. Pour cela le rapport présenté à la Coalition des Leaders pour le Prix du Carbone par Nicholas Stern et Joseph Stiglitz, évoque un corridor de prix d’au minimum 40 à 80 dollars par tonne de CO2 en 2020 et 50 à 100 dollars la tonne en 2030, à condition que des politiques d’accompagnement favorables soient mises en place.

Cela doit accompagner d’un mouvement massif de réduction des subventions aux énergies fossiles. En effet, l’argent public est une ressource rare, et ne peut continuer éternellement à subventionner les énergies du passé. C’est une dynamique dans lesquelles les banques de développement doivent s’engager. 

Mesdames Messieurs,
Vous l’avez compris, l’heure est à la cohérence, à la détermination. C’est le message que vous portez, et je compte sur vous, sur vos travaux pour nous faire avancer dans cette direction, celle d’un monde sans carbone et sans pauvreté. 

Je vous remercie."

Seul le prononcé fait foi

 

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